L'ancien archevêque d'Alger (1988-2008), Henri Teissier, est décédé, hier, à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, à l'âge de 91 ans. Figure emblématique de l'Eglise catholique en Algérie, l'homme était attaché au pays dont il avait obtenu la nationalité. Durant les années du terrorisme, il bravait les menaces et se rendait régulièrement au monastère de Tibhirine pour y rencontrer les moines qui vont finir par être assassinés en 1996. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - « Lundi 30 novembre au matin, le prêtre a été retrouvé inanimé dans sa chambre de l'immeuble du 12, rue Sala (Lyon 2e) et aussitôt transporté en réanimation. Il a succombé à un accident vasculaire cérébral », a annoncé le journal français Le Progrès hier matin. La nouvelle a fait le tour des rédactions et des réseaux sociaux où les qualités de l'ancien archevêque d'Alger, qui a choisi la ville de Tlemcen pour y vivre après sa retraite, ont été évoquées. Henri Teissier, un partisan du dialogue islamo-chrétien de renommée, était réputé pour son amour pour l'Algérie, en y vivant une bonne partie de sa vie et en bravant les menaces terroristes durant les années noires. Il n'avait pas hésité, malgré le danger, à rendre visite chaque semaine aux moines de Tibhirine dans le monastère situé sur les hauteurs de Médéa et de sa région qui était un fief des groupes terroristes. Ces moines finiront par être assassinés en mars 1996, après avoir étés enlevés. Le défunt avait lui-même lancé le processus de béatification de ces religieux, par le Vatican, qui leur a reconnu le statut de « bienheureux ». « Nos frères et sœurs martyrs étaient — et doivent rester — un signe de fidélité. Ils ne sauraient servir de prétexte au réveil d'une prétendue adversité qui les aurait opposés aux Algériens. C'était tout le contraire ! Ils sont restés par solidarité. Et c'est, d'une certaine manière, parce qu'ils étaient proches de ceux avec lesquels ils travaillaient — sans aucun prosélytisme — que ces « bienheureux » ont été attaqués, dans leurs quartiers ou leurs villages », avait-il déclaré dans les médias français dans le sillage de la béatification des moines de Tibhirine lors d'une cérémonie officielle à Oran le 8 décembre 2018. En 2012, il a écrit un livre sous le titre Tibhirine : la fraternité jusqu'au bout. Pour marquer son attachement au pays, Henri Teissier avait pris la nationalité algérienne. Issue d'une famille européenne installée en Algérie vers 1850, il fut nommé, en 1972, évêque d'Oran jusqu'en 1982, date à laquelle il sera nommé archevêque coadjuteur du cardinal Duval à Alger. Lorsque ce dernier s'est retiré en 1988, il lui succédera et dirigera l'Eglise algérienne jusqu'à 2008. Homme de paix et de tolérance, il était un homme ouvert qui défendait la pluralité. Après avoir pris sa retraite, il a évoqué sa mission au service de l'Eglise algérienne dans un entretien avec le quotidien El Watan. « J'ai vécu cette responsabilité comme une mission au service des chrétiens et pour que ces derniers développent des relations d'amitié avec la société algérienne et se mobilisent pour le bien commun. J'ai pris mes nouvelles missions à la fin du mois d'avril 1988 et l'Algérie a subi des épreuves cruciales à partir du 5 octobre de la même année, qui se sont aggravées à partir de 1992. Donc, j'ai eu à servir la communauté chrétienne d'Algérie dans cette période difficile », avait-il relaté. Mais ce qui a été important pour lui, pendant cette période, « c'est qu'on a vécu dans une grande amitié entre chrétiens, voisins, collaborateurs et des Algériens qui se sentaient concernés par notre existence dans la société algérienne ». Le défunt avait toujours évoqué une relation fraternelle » entre sa communauté et la société algérienne. En 2008, Henri Teissier avait vécu très mal la féroce campagne contre l'évangélisation qui a été menée en Algérie. « La campagne contre l'évangélisation, enclenchée ces derniers mois, a été très douloureuse pour nous. Je pense que nous avons vécu, depuis l'indépendance, dans une amitié avec des milliers d'Algériens, et puis subitement, on vient nous juger sur la base d'une action que nous n'avons pas menée. Ce n'est pas nous qui avons mené cette campagne d'évangélisation et elle ne répond pas à notre conception de la relation entre chrétiens et musulmans », avait-il alors expliqué. Avec son décès, l'Algérie perd un ami fidèle. K. A.