Anthony Blinken, le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères (ministre des Affaires étrangères), présente bien. Il a un profil qui laisse à penser que c'est quelqu'un de bien. Son parcours, fait de connaissance et de maîtrise des dossiers de grande sensibilité, offre l'image d'un personnage qui incite à la confiance. À l'inverse de son prédécesseur « trumpiste » jusqu'au bout des doigts qui fonçaient à la hussarde dans l'espace diplomatique, lui, il met les formes. Il n'impose pas mais propose une opinion, suggère une solution, sans toutefois rien lâcher sur l'essentiel. Il a la lourde tâche, selon les vœux de son vieux Président, Joe Biden, de rééquilibrer la politique extérieure des Etats-Unis d'Amérique mise à mal par les républicains. Pour en finir avec l'image hideuse de l'Amérique arrogante qui renverse tout sur son passage — impunément ! Le jeu d'équilibre auquel s'exerce Blinken est mis d'ores et déjà à l'épreuve au Proche-Orient quant à la question de l'agression israélienne contre Ghaza. Il veut ménager la chèvre et le chou alors que le coupable de tant de morts et de blessés en onze jours de bombardements n'est pas à chercher trop loin. C'est l'évidence des faits. Première critique, ce sont les mots utilisés pour qualifier la résistance palestinienne car au plan sémantique, il ne rompt pas avec le langage « ordurier » de l'ancienne équipe, synonyme d'irrespect de la bienséance en règles diplomatiques. Hamas est toujours diabolisé, et il en est de même des autres branches de la résistance palestinienne. En cela déjà, il reprend à son compte les thèses négationnistes de l'Etat sioniste vis-à-vis de la lutte du peuple palestinien qui veut s'affranchir d'une colonisation de fait, mise en marche depuis des décennies. L'émissaire américain au Proche-Orient ne sort pas des sentiers battus des inévitables villes-escales dans la recherche d'un projet de « paix-pacification » définitive de la région. Hamas, qui vient de donner une leçon de courage à un ennemi largement supérieur en armes, est toujours infréquentable et on lui renouvelle, à l'occasion, l'étiquette d'organisation terroriste. C'est le trop modéré Mahmoud Abbas qui lui est préféré, lui qui est dépassé par le cours des événements. L'Amérique serait prête à mettre la main à la poche pour aider Ghaza à renaître de ses cendres, mais il ne faut surtout pas que Hamas s'empare des quelque 75 millions de dollars prévus à cet effet. L'Amérique paye les dommages de guerre d'un autre Etat, défiant les lois en la matière. Les conséquences de l'agression se chiffrent à pas moins de 380 millions de dollars. Un paradoxe, pourquoi Washington s'empresse-t-il de payer les frais d'une casse à grande échelle qui ne sont pas de sa responsabilité ? Antony Blinken tient le même langage que « Bibi, roi d'Israël », Netanyahu. De là à voir, avec la nouvelle Administration Joe Biden, un remake de toutes les politiques passées, dans un habillage différent, il n'y a qu'un pas à franchir. De quoi exaspérer davantage les populations ghazaouies, ruinées, sans toit, dans des conditions de vie inhumaines par la volonté de l'Etat sioniste. En Cisjordanie, les Palestiniens, parqués dans une portion congrue de ce territoire, souffrent de toute sorte de privations. La solution au conflit au Proche-Orient serait-elle dans la formule de deux Etats garantie par l'Amérique, et surtout assortie d'un engagement aux yeux du monde de protéger pour toujours l'Etat d'Israël ? Le diplomate américain annonce ainsi le renforcement de l'aide à l'Etat sioniste en armes, dont des intercepteurs pour le fameux Dôme anti-missiles, rendu impuissant par les brigades Azeddine El Qassam. Peut-il ignorer la lutte séculaire de tout un peuple et lui imposer une solution qui ignorera ses droits fondamentaux et qui légitimera le terrorisme de l'Etat d'Israël ? B. T. [email protected]