Que sait-on du colonel Assimi Goïta, de ses motivations dans ses deux coups d'Etat, de son programme politique, s'il en a un ? C'est l'opacité totale qui met à mal la compréhension des partenaires traditionnels du Mali. On sait qu'il est jeune, enfant du sérail militaire, fils d'un officier de l'armée de terre. À 37 ans, il cumule plusieurs diplômes de ses formations en France, en Allemagne et aux Etats-Unis (Floride-Forces spéciales d'interventions). On le dit dur en «affaires», et tatillon dans son commandement. L'équipe qu'il réunit autour de lui est forcément à son image. Aujourd'hui, il est président de la transition politique après deux coups de force au moment où personne ne s'y attendait, ce qui épaissit le mystère qui l'entoure. Comme tous les putschistes, il justifie bien sûr son entrée fracassante sur la scène politique par sa volonté affichée de mettre fin à la corruption et à la gabegie des civils. Son parcours dans les différents postes de responsabilité occupés a de quoi donner le vertige. Après le premier coup de force, tout semblait pourtant aller pour le mieux pour le Mali, pays parmi les plus pauvres du monde. Promesse a été faite à la Cedeao de rendre le pouvoir aux civils. Les principales capitales, dont Washington, Paris et Alger y avaient cru. Le Français Jean-Yves Le Drian est comme le lait sur le feu. Sabri Boukadoum, pour l'Algérie — qui partage une longue frontière avec Bamako — s'est rendu au Mali plusieurs fois et a longuement discuté avec Goïta et ses lieutenants. Tout allait bien, en apparence tout au moins, jusqu'à ce vendredi 28 mai fatidique. Jusqu'à ce que le colonel renverse la table, sans autre forme de procès. Il l'affirme clairement : le gouvernement civil de transition ne répond pas à ses attentes. Il le renvoie manu militari, à la surprise générale. Ce scénario-catastrophe fonctionne à merveille partout dans la plupart des cinquante-quatre Etats d'Afrique. Un atavisme, surtout que nous ne sommes plus dans la confrontation idéologique : capitalisme-socialisme. Les sauveurs d'un jour vont s'avérer malheureusement dictateurs de toujours pour mieux cacher leur incapacité à gouverner, assumer leurs promesses de lendemains qui chantent. Cela est d'autant plus cauchemardesque dans le contexte politico-sécuritaire actuel et les échecs face aux groupes terroristes, qui rendent clownesque toute prise de pouvoir dans les pays de la bande sahélienne. On se voile la face tant la misère fait des milliers de victimes de la faim et de maladies de toute sorte. Fuir, fuir le plus loin possible et à n'importe quel prix ces pays de la désolation. C'est alors la longue transhumance vers le Nord, l'Europe, marche inexorable. Cris de la vierge effarouchée, branle-bas de combat politique, diplomatique et policier face à l'envahissement, par vagues successives, des ventres vides. La vieille Europe est désormais érigée en forteresse et en barrières infranchissables ? Pas si sûr. Le Sahel, c'est quatre-vingts millions d'habitants qui ne croient plus à un avenir dans leurs pays respectifs. Encore moins en ceux qui les gouvernent. Le colonel Assimi Goïta ne pourra faire exception. B. T. [email protected] P.S. : Christophe Colomb ne serait pas le premier à avoir découvert l'Amérique, mais les Africains, et bien avant lui. Voire...