Tout le monde sait dans quelles conditions et dans quel contexte la nouvelle «direction» de la centrale syndicale est arrivée aux... affaires. Ici, la formule aurait pu n'être qu'une commodité de langage. Mais dans le cas précis comme dans beaucoup d'autres situations des deux dernières décennies, les mots sont rarement innocents. Ils peuvent à la base être anecdotiques, ils reprendront tout leur sens au contact du sérail et de ses périphéries. On aurait pu ainsi éviter la formule d'«arrivée aux affaires» d'Abdelmadjid Sidi Saïd et on aurait eu tort, parce que le bonhomme allait très vite tout démentir. Pourtant, lui et son équipe arrivent aux responsabilités - on a certainement ici les vrais termes, en tout cas les moins engageants - à un moment qui inspirait plutôt le combat que la compromission. Abdelhak Benhamouda venait de payer de sa vie le prix d'une certaine idée de l'Algérie, les menaces sur les acquis sociaux se clarifiaient et le moment était propice à une vraie occupation du terrain. L'hégémonie par l'alignement pouvait très bien faire de la place à une vraie occupation du terrain, l'UGTA ayant plusieurs longueurs d'avance organique, logistique et politique sur les premiers syndicats «autonomes» encore à l'état de balbutiements. Mais Sidi Saïd n'était manifestement pas venu pour ça. Le mandat de son prédecesseur n'aidait pas vraiment à la pratique syndicale dans sa vraie vocation, il aurait pu revenir aux «fondamentaux» des luttes pour la promotion socioprofessionnelle des travailleurs. A sa-maigre décharge, ceux qui venaient... d'arriver aux plus hautes affaires du pays n'étaient pas non plus dans les meilleures dispositions pour s'accommoder d'un vrai syndicat, ou de plusieurs, puisque la diversité syndicale était, théoriquement du moins, déjà en vigueur. Alors, non seulement Sidi Saïd s'est contenté d'arriver aux affaires, mais il s'est rapidement fait happer par la machine du régime. Et comme les alliances contre nature ne donnent que les comportements qui vont avec, le voilà poussant le zèle jusqu'à n'en plus pouvoir. Emblématique de cette inimaginable perversion, voilà le patron du syndicat faisant cul et chemise avec le patron des... patrons, à tel point que l'un ne pouvait rien entreprendre sans l'autre, coups tordus compris. Puis, l'ouragan du soulèvement populaire avait emporté Sidi Saïd et ses sponsors. Pour autant, les choses n'avaient politiquement pas évolué. Pas moins qu'aujourd'hui, d'ailleurs. Les choses paraissaient donc très simples pour les heureux et «nouveaux élus» de l'UGTA. Les choses étant toujours là où elles étaient, il suffisait de remplacer «Si l'Madjid» par un autre, de préférence inconnu au bataillon pour faire illusion et le tour est joué. Ce n'est apparemment pas si simple que ça. Si, aux premiers jours de l'aventure, il suffisait à la nouvelle direction de faire preuve de disponibilité à toutes les missions, ça ne pouvait pas fonctionner ainsi tout le temps. Et la panne d'oreillette ne semble pas convenir aux nouveaux locataires de la Maison du peuple. D'où ce silence assourdissant depuis un long moment. Ce n'est pourtant pas le... boulot qui manque pour les camarades syndiqués. L'un dans l'autre, c'est ailleurs que le travail se fait de plus en plus rare et, ici, les mots n'ont qu'un sens. S. L.