Les uns derrière les autres, des véhicules d'hommes armés patrouillent dans l'ouest du Mexique. Ce sont des producteurs d'avocats qui se protègent du racket des cartels de la drogue de plus en plus violents. Avec leurs fusils et leurs carabines, ces agriculteurs cagoulés sillonnent les plantations de la municipalité d'Ario de Rosales, dans l'Etat de Michoacan, théâtre d'une véritable guerre entre trafiquants de drogues. Ici, les paysans ont établi des postes de contrôle et creusé des tranchées en pierre. Mais jusque-là, ils vivaient dans la terreur des enlèvements, du chantage et du vol de leur production, selon un membre de «Pueblos Unidos», une milice qui se dit forte de 700 hommes. «Nous devons être armés pour nous défendre par nous-mêmes», explique un producteur d'avocats qui préfère ne pas décliner son identité. «Non à l'injustice, non aux assassinats», peut-on lire sur un badge collé sur sa poitrine. Ces criminels «nous imposaient leur loi. C'est terminé», martèle l'homme. Mais ces milices – environ une cinquantaine au Mexique depuis leur apparition en 2013 – sont mal vues par le Président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO, gauche) pour lequel elles sont devenues une façade camouflant les agissements des gangs. Agacé, un milicien invite le Président à «venir ici se salir les chaussures» pour appréhender la réalité de cette zone où sévissent les cartels. La police et les militaires «ont ou peur des criminels ou sont soudoyés pour ne rien faire», s'emporte Martin, un autre milicien. La tâche est lourde. Ces groupes tentent de contenir l'expansion des cartels qui ont intensifié leurs attaques dans les Etats de Michoacán, de Tamaulipas (nord-est, à la frontière des Etats-Unis) et Zacatecas (nord). En mai, 2 963 assassinats ont été recensés au Mexique, et depuis janvier, on en dénombre 14 243, selon le gouvernement. Le 29 juin, neuf corps ont été retrouvés près de Ciudad Miguel Alemán, également dans le Tamaulipas, où des gangs armés se battaient pour le contrôle d'un passage frontalier avec le Texas (Etats-Unis) par lequel transitent drogues, armes et sans-papiers, selon une source du renseignement. À peu près à la même période, une confrontation a fait 18 morts à Zacatecas, où les corps de deux policiers ont été pendus à un pont. Et en dépit de la recrudescence de ces incidents, AMLO a pris le parti de ne pas déclarer la guerre aux cartels, arguant des échecs passés d'une telle politique et préférant demander aux Etats-Unis – principal consommateur de drogue – d'œuvrer pour une limitation de la circulation d'armes américaines entre les deux pays. R. I.