Les personnels des pays de la coalition rentrent chez eux. Des milliers d'Afghans entre hommes, femmes et enfants se retrouvent en terre chrétienne, dans un autre monde, le monde dit libre. Ils garderont comme pour se souvenir d'un passé tourmenté, quelques reliques preuves d'une autre vie. Depuis la chute de Kaboul aux mains des talibans, seize pays, à leur tête les Etats-Unis, ont mobilisé leur flotte d'avions gros porteurs (militaires et civils), pour une opération unique en son genre, nonobstant le chaos régnant dans un pays aux lendemains incertains. Les quelques dizaines d'Afghans, occidentalisés ces vingt dernières années d'occupation, ressentiront peut-être moins le déracinement brutal que les autres dont l'horizon se limite à la vie dans les traditions ancestrales. Une chance pour les uns de quitter un pays d'une grande pauvreté, d'une autre époque, aux coutumes frustes et immuables presque. Il n'empêche, un témoin oculaire rapporte que les gens n'étaient pas vraiment heureux de partir, quitter leur patrie. Mais la tournure folle prise par les événements, accélérés par la chute de Kaboul, la capitale avait de quoi déstabiliser les plus aguerris dans ce genre de situation, laquelle finalement les dépasse totalement. Le transbordement imposé autant par le contexte de peur-panique que par la nécessité urgente de sauver sa peau, n'est pas exempte de risques réels de déracinement en terre chrétienne. Le plus paradoxal est que les nouveaux maîtres de l'Afghanistan, qui n'étaient pas accueillis avec du lait et des dattes, laissent faire fuir ces potentielles voix discordantes. L'Oncle Sam et la vieille Europe veulent faire croire à leur générosité débordante et à leur humanisme. Après avoir mis tout un pays à genoux, sans espoir pour lui de se relever avant des lustres. Alors qu'ici et là, l'on ne finit pas de discourir sur la débâcle de l'Occident face une guérilla, ancrée dans les massifs montagneux, les stratèges politiques veulent faire de cette défaite une victoire. Aux yeux du monde, ils paraissent des sauveurs devant la barbarie islamiste, l'obscurantisme et coupeurs de mains pour délit de vol. D'abord, la vieille Europe est à bout de souffle, question démographie. Beaucoup de métiers, en ces temps de pandémie, peinent à trouver de la main-d'œuvre, en dépit des salaires attractifs. Les besoins en Allemagne se chiffrent en centaines de milliers, cela de la bouche même de la chancelière Angela Merkel. Si le plus grand nombre de migrants officiels revient aux Etats-Unis, chacun des pays européens a désormais son quota d'immigrés afghans. Et comme chaque avènement d'une dictature est suivi d'un exode massif de l'élite, on imagine les avantages qui en découlent pour eux. C'est à se demander où les talibans vont trouver le personnel qualifié (pilotes, techniciens de divers profils), pour la maintenance de tous les équipements militaires abandonnés par les Américains. Car, en effet, la fine fleur des cadres afghans (militaires et civils), a été évacuée, rappelant en cela les ingénieurs de l'Allemagne nazie, pris comme butin de guerre par les alliés et l'ex-Union soviétique de Staline. Sans demander leur avis. Et, ce sont ceux-là mêmes qui ont inauguré l'ère de la conquête de l'espace. Brahim Taouchichet