De crises de gouvernance en coups d'état militaires, source d'une instabilité permanente et donc d'insécurité, la plupart des pays africains naviguent à vue. Sans programme économique cohérent, structurant, pourvoyeur d'emplois pour de nouvelles générations arrivant sur le marché du travail, les équipes dirigeantes d'hier et d'aujourd'hui se préoccupent plus de préserver leurs avantages que leur procure leur fonction. Les querelles et autres affrontements politiques cachent, en vérité, de gros enjeux où les intérêts de clans priment sur tout le reste. Toutes les expériences de développement tentées, qu'elles soient socialistes ou libérales ont, bien plus, produit des castes d'affairistes voraces, mues par le gain facile. C'est l'alliance du pouvoir politique et les puissances de l'argent. De l'argent mal acquis ! Vu sous cet angle, l'état des lieux en Afrique est très peu reluisant, il pose toute la problématique de l'échec des modèles de développement. Mises face à leurs responsabilités, les équipes dirigeantes ne veulent absolument pas reconnaître leurs erreurs dans la gestion du pays où de larges pans de la population crient famine. Le résultat de cette obstination est la crispation dans les débats qui les interpellent, un état d'esprit suivi d'une dangereuse radicalisation aux relents de dictature. C'est la chasse aux voix discordantes et aux opposants (Patrice Lumumba, Thomas Sankara, etc.), une militarisation plus grande de la société. Tout va bien tant que le rapport de force est en leur faveur grâce aux liens tribaux et de clientélisme. Le parrainage de l'ancienne puissance coloniale, particulièrement en Afrique occidentale, est un puissant levier de perpétuation des pouvoirs. Elevés sous l'aile protectrice des anciens maîtres, formatés en qualité de bons serviteurs, ces dirigeants sont happés, broyés dans des calculs qui leur échappent totalement. Toute résistance à la domination étrangère est cliniquement morte. Les luttes pour les indépendances appartiennent au passé, pourquoi chercher querelle alors qu'il fait si bon vivre ! La France veille à leur confort. Pas besoin de visa, un compte en banque garni pour aller se la couler douce chez «la mère patrie». Présidents, ministres acquièrent de luxueux pieds-à-terre où l'air est bon à respirer. En toute sécurité. Il faut reconnaître à l'ancienne puissance sa capacité à donner d'une main ce qu'elle reprend de l'autre : une indépendance factice sans liberté réelle. Ses hommes placés dans les rouages du pouvoir lui assurent une prééminence sur toutes les affaires publiques ou privées. Toute crise qui survient entre l'ex-colonisateur et une ex-colonie est le prélude à une crise annonciatrice de restructuration du pouvoir en place. Faire de la place aux nouveaux venus ! Amen. Brahim Taouchichet