Condamnés à se reconstituer en groupuscules à partir des résidus des groupes survivants de la guerre que leur a menée et leur mène encore l'ANP, les derniers terroristes demeurés actifs au nord du pays, totalement désorientés par la désagrégation à grande échelle et la réduction de la force de nuisance d'Al-Qaïda au Maghreb, n'en continuent pas moins de constituer une menace sur la sécurité publique. Tiaret a été ainsi la preuve, s'il en fallait une, que le terrorisme est encore dans nos murs et du temps devrait s'écouler avant qu'on en finisse avec les tueurs au nom d'Allah, et ce, eu égard à la nouvelle configuration de la nébuleuse djihadiste, qui a fait que l'Etat islamique (EI) s'est incrusté dans les rangs d'Aqmi, suscitant des dissidences pour lui soustraire des éléments comme cela avait été le cas avec les membres du groupe mené par Abdelmalek Gouri pour donner naissance, il y a trois ans en Haute-Kabylie, à Jund Al-Khilafa, la première branche de Daesh en Algérie, ou encore la clique de katibat Al-Ghoraba de Nouredine Laouira qui, à partir de l'est du pays, entendait reprendre l'étendard de l'Etat islamique et clamer que Jund Al-Khilafa était toujours actif, jusqu'à sa mise hors d'état de nuire, il y a quelques mois, à Constantine, où un de ses hommes avait tenté de commettre, en février dernier, un attentat identique à celui de jeudi à Tiaret. Une entrée de l'EI à la faveur de l'état de perdition dans lequel se retrouvent les terroristes, quelques centaines selon les déclarations officielles depuis quelque temps, combattant dans les rangs d'Al-Qaïda au Maghreb, le groupe héritier du GSPC de Hassan Hattab, qui n'arrive pas à se renouveler, les filières de recrutement s'étant taries en Algérie, comme le soutiennent maints rapports d'organisations internationales spécialisées à l'instar de l'International Crisis Group (ICG) qui, tout récemment, rappelait les circonstances de la création de la branche algérienne de Daesh par des dissidents de ce qui subsiste en Algérie d'Al-Qaïda au Maghreb, des terroristes reclus dans les montagnes de Kabylie et à l'est du pays (voir le Soir d'Algérie du 23 août 2017). Du peu de survivants qui restent dans ses rangs, Aqmi a dû s'accommoder donc de l'apparition de Daesh, subissant une désaffection des rangs, comme le reconnaissait tout dernièrement dans un entretien à une revue de propagande djihadiste son «émir», Abdelmalek Droukdel. Désaffection due, en plus de l'apparition de Daesh, au peu d'engouement que suscitent les thèses djihadistes pour attirer des recrues, la maîtrise presque totale du terrain par l'ANP, et les difficultés qu'éprouvent les combattants en provenance de l'extérieur, notamment du Sahel, à s'introduire sur le territoire national. Ainsi, après son élimination du paysage sécuritaire au centre du pays, puis à l'Est, voilà que Daesh se manifeste à l'ouest du pays, à travers cet attentat kamikaze revendiqué par l'agence d'information et de propagande de l'EI, en attendant la confirmation de cette revendication. Un procédé qui rappelle, en tous les cas, celui utilisé par le kamikaze ayant tenté de faire sauter le commissariat de Maâtkas, une vingtaine de kilomètres au sud de Tizi-Ouzou, en mars 2016, puis plus près encore, cette tentative du terroriste affilié à katibat Al-Ghoraba contre un commissariat du centre-ville de Constantine, fin février dernier. Une tentative d'attentat qui elle-même suivait l'assassinat, quelques mois plus tôt, d'un policier dans la même ville par Nouredine Laouira, l'autoproclamé chef du groupe terroriste affilié à Daesh en Algérie. Des actes qui allaient donner lieu à la réouverture de la traque sans relâche contre Daesh, exactement comme cela avait été le cas lorsque Abdelmalek Gouri annonçait, à partir d'un village perché en Haute-Kabylie, l'entrée en scène de l'Etat islamique sur le territoire national et son élimination trois mois après avoir signé l'acte de naissance du Daesh algérien avec l'enlèvement puis l'assassinat du touriste français Hervé Gourdel. Il est apparu ainsi, avec le groupe de Abdelmalek Gouri puis celui de Nouredine Laouira, les deux éphémères chefs de Daesh en Algérie, que dans la stratégie des services de sécurité algériens, l'objectif est de mettre hors d'état de nuire dès son apparition toute «manifestation» de l'Etat islamique en Algérie, afin qu'il ne prenne pas racine et s'étale vers d'autres contrées du pays. De là, on peut imaginer maintenant comment l'étau sécuritaire va se refermer sur Tiaret et sa région, avec notamment des investigations pour le démantèlement des réseaux de soutien sans lesquels aucun groupe terroriste ne pourrait s'implanter.