Dans son ouvrage consacr� � Ibn Khaf�dja, L�Amateur des jardins de l�Andalousie, Hamdane Hadjadji nous guide � travers l�univers raffin� d�un po�te et dans le d�dale de sa po�sie. Invitation au voyage. Voyage en un lieu, Valence et la Huerta, le pays des jardins et des vergers andalous : �Un terroir heureux pour un amant de la nature�. Voyage en un temps � Ve si�cle de l�H�gire, XIe si�cle de l��re chr�tienne � o� les puissants aimaient � s�entourer de po�tes et de lettr�s. Ibn Khaf�dja est de ceux-l�, avec cette diff�rence que, durant la majeure partie de sa vie, son go�t de l�ind�pendance, son aisance mat�rielle le mirent � l�abri de la vie agit�e des cours. C�est cette existence d�un homme qui se voulait libre, tout impr�gn� de la beaut� de sa terre natale � la source de son exigence esth�tique, qui nous est livr�e dans sa constante et douloureuse tentative d�adaptation aux changements de pouvoirs. Avec une pr�cision d�ex�g�te, l�auteur cerne son personnage, le d�busque comme un chasseur d�images sous toutes les facettes de sa cr�ation. Hamdane Hadjadji choisit de traiter l�objet de sa recherche selon un plan classique et n�anmoins efficace : la vie et l��uvre. Il d�monte tous les ressorts qui font de l�homme un po�te : ses ma�tres, ses amis, ses sources d�inspiration. En un temps o� chacun r�vait d��galer une c�l�brit� orientale, Ibn Khaf�dja na�t � la po�sie sous l�influence des po�tes irakiens � Mutanabbi, Char�f ar Radiyy, syrien � Abdal Muhsin a���r� � ou d�origine persane comme Daylam�, sans oublier l�influence inavou�e de �anawbari, le po�te de la nature. Nature au charme suggestif sans laquelle le talent d�Ibn Khaf�dja n�aurait pu s��panouir. Celui que l�on appela aussi le �anawbari de l�Espagne, et qui influencera � son tour la future �cole andalouse, est un po�te hors du temps par l�universalit� de ses sources d�inspiration que sont la nature, la mort, l��rotisme, l�amiti�. L�auteur tente un audacieux rapprochement avec Rousseau et ses R�veries d�un promeneur solitaire. Mais il est aussi paradoxalement po�te de son temps en devenant apr�s une longue p�riode de silence cons�cutive � la chute de Valence et au r�gne d�intol�rance des Almoravides, un po�te officiel en qu�te de protecteur. L�homme, libre de toutes contraintes qui cultivait son art pour le plaisir et qui conviait le lecteur � la jouissance et � la recherche du beau dans ses po�mes bachiques et �rotiques, sera contraint sous la pression des religieux de renier sa jeunesse libertine. Menac� de pers�cution pour h�r�sie, lui qui jadis d�non�ait les religieux en viendra m�me � renier son biographe et ami Ibn Kh�q�m qui �voquait sa vie licencieuse. Devenu po�te officiel, il se console en choisissant pour protecteur des hommes avec qui il se sent des affinit�s : �C�est alors que je me suis de nouveau tourn� vers la po�sie pour en faire les ornements du manteau de mon ma�tre par amour pour sa personne, et non par int�r�t� � Ibn Khaf�dja meurt � l��ge de quatre-vingt-trois ans dans le tourment de la solitude, �voquant en ces vers ses regrets et sa d�tresse : �Pleure ma jeunesse pass�e et qu�il faut oublier, une �me qui n�a gard� que sa douleur !� La post�rit� retiendra surtout ses po�mes issus de la p�riode �picurienne. Il demeure pour nous le po�te de la nature, annon�ant la vague romantique, des si�cles avant son d�ferlement. Meriem Nour (*) Ibn Khaf�dja: l�amateur des jardins de l�Andalousie, Hamdane Hadjadji, ed. Al Bouraq, Paris 2006