La grève des médecins résidents a tellement duré qu'il faut une intervention politique des autorités suprêmes du pays. C'est l'appel du docteur Bekkat Berkani, président du Conseil national de l'Ordre des médecins. «S'il faut une intervention politique, nous avons son Excellence le président de la République et je pense qu'il faut bien qu'il intervienne en personne pour mettre fin à ce conflit», a déclaré, hier, le Dr Berkani. Invité au forum du quotidien El Moudjahid, il a estimé que trois mois de grève «étaient suffisants pour interpeller» les autorités au plus haut niveau, surtout que le dialogue initié par le ministre de la Santé, puis dans le cadre du Comité intersectoriel, a montré ses limites. Bekkat Berkani revient sur les dernières propositions du comité, rejetées par le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra). Et il faut dire qu'il n'a pas ménagé le professeur Mokhtar Hasbellaoui qui s'est contenté d'assister à l'ouverture de la dernière réunion. «Alors qu'il y a une grave crise, le ministre va assister à une journée de lutte contre le cancer. Je regrette, mais la lutte contre le cancer, c'est sur le terrain», a lâché le Dr Berkani, soutenant que les résidents n'exigent pas la lune comme on tente de le faire croire. A propos de la prime d'installation décidée sur proposition du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, l'orateur n'a pas trouvé les mots pour exprimer ses regrets : «Non, ce n'est pas comme ça que l'on doit régler les choses. On peut facilement avoir ces 20 000 DA rien qu'en faisant des cotisations !», a-t-il dit, expliquant que les médecins sont avant tout des humains qui ont des charges et des dépenses à couvrir. Idem pour le logement que certains présentent comme une exigence de trop, mais «qui est un droit», de l'avis du Dr Berkani, qui se demande comment on trouve logique d'attribuer un logement à quelqu'un qui squatte une baraque et on le refuse au médecin qui s'est sacrifié des années durant en formation. L'invité du forum pense qu'un plateau technique est la moindre des choses à assurer dans le cadre du service civil qui «doit absolument être aménagé», faute d'une abrogation pure et simple. Quant à la décision du ministère de réduire à 20 le nombre de spécialités concernées, le président du Conseil de l'Ordre des médecins s'y oppose catégoriquement. «On a besoin de toutes les spécialités. Il faut créer le besoins à l'intérieur du pays et surtout créer des hôpitaux de référence, comme proposé par les résidents d'ailleurs, où le malade peut trouver tout», a-t-il plaidé, appelant les autorités «à écouter les médecins résidents» et les walis de la République «à assurer les moyens matériels et financiers avant de demander l'affectation de spécialistes». Déconsidération ! Concernant le statut du résident, le Dr Berkani estime qu'il est temps de le réviser, faisant remarquer que le texte ne précise même pas si les résidents étaient médecins ou étudiants : «Ils naviguent entre les deux», dit-il. Même pour la revendication portant sur le droit à la dispense du service militaire comme tout citoyen ordinaire, et sur laquelle les pouvoirs publics expriment un niet catégorique, Bekkat Berkani soutient que «certes, dans le passé, l'armée n'avait qu'un médecin pour bataillon, mais maintenant, elle en dispose suffisamment et ils sont recrutés et formés en grand nombre». Enfin et sur le plan financier, il réfutera les arguments du ministre Mokhtar Hasbellaoui qui a exclu toute augmentation en raison de la situation économique difficile que traverse le pays. «Arrêtons ! Il ne faut pas déconsidérer la profession médicale», a-t-il réagi, appelant à «mettre la santé au centre des politiques». Par ailleurs, le président de l'Ordre des médecins a dénoncé la sourde oreille de la tutelle quant à la médiation proposée dans ce conflit par son conseil ainsi que celui des Droits de l'homme (CNDH) présidé par maître Fafa Benzerrouki. Interrogé sur le projet de loi sur la santé, le Dr Bekkat Berkani dira qu'«il ne s'agit pas d'une urgence». Le texte, pense-t-il, «doit être soumis à une seconde lecture avant d'être envoyé à l'APN».