A la veille de l'entrée en vigueur de la décision des médecins résidents d'arrêter l'activité de gardes assurées jusque-là, le ministère de la Santé a ordonné des réquisitions. Mais les blouses blanches ne comptent pas abdiquer, rejetant l'instruction du département de Mokhtar Hasbellaoui. Entre le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et les médecins, dentistes et pharmaciens résidents, c'est la guerre à distance. Le bras de fer a atteint, cette fois-ci, un point de non-retour. Après l'annonce par le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) de l'arrêt des gardes de nuits et du week-end à partir du dimanche 29 avril, le ministère de tutelle a instruit ses directions de wilaya à l'effet de procéder aux réquisitions. «Les gestionnaires des établissements publics de santé sont tenus, si besoin est, et ce, conformément aux articles 41 et 42 de la loi précitée, d'avoir recours aux réquisitions des médecins résidents en sciences médicales qui font partie des équipes de garde, aux fins de garantir la continuité des soins et la prise en charge des malades dans le cadre de l'urgence», écrit la Direction générale des services de santé du ministère dans une instruction envoyée jeudi aux DSP. Le département du Pr Hasbellaoui se réfère dans son courrier à la loi 90-02 du 6 février 1990 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l'exercice du droit de grève. Un texte dont l'article 38 «organise» le service minimum, rappelle l'instruction n° 6 dont il est indiqué que «l'hôpital a l'obligation d'assurer la continuité des services publics essentiels et ne doit en aucun (cas) interrompre les soins particulièrement pour les malades hospitalisés et les activités d'urgences». Le ministère demande, en outre, aux DSP et chefs d'établissements de santé d'étudier les «moyens et voies» en concertation avec les conseils scientifiques ou médicaux et les représentants des syndicats, à même d'assurer «la prise en charge des malades et la continuité du service public», et de signaler «toute difficulté». Un véritable plan Marshal qui, appliqué, pourrait anéantir la démarche des résidents. Lois : à chacun son appréciation ! Pourtant, ces derniers ne comptent pas se soumettre aux réquisitions de la tutelle face auxquelles ils développent un argumentaire juridique pour les rejeter. Le Camra estime que par cette décision, la Direction générale des services de santé et de la réforme hospitalière du MSPRH «vient feindre l'ingénuité» en s'appuyant sur l'article 38 de la loi 90-02. Et pour cause, tel que juridiquement défini, le service minimum «est uniquement applicable aux seuls travailleurs». «Or, nous ne disposons pas de la qualité de fonctionnaires, ni même de celle de travailleurs salariés au sens de la loi 90-14 du 2 juin 1990, comme l'a précisé avec force arguments le ministère du Travail dans sa correspondance n° 153 DTR/MTESS du 7 juillet 2011», rappelle le Collectif dans un communiqué publié hier. Les médecins résidents ajoutent, à cet effet, que «nous ne pouvons pas être soumis aux dispositions réglementaires ni disciplinaires du statut de la Fonction publique, ni celles de la loi 90-02». Plus que ça, les grévistes soulignent que les articles 41 et 42 cités par la tutelle pour ordonner les réquisitions «ne concernent en rien les étudiants que nous sommes». S'agissant des gardes encore, le Camra précise que conformément à l'article 2 du statut du résident, la responsabilité de ce dernier «en formation post-graduée» se limite seulement à «participer» aux soins et dans un but exclusivement pédagogique. C'est pourquoi les blouses blanches disent «décliner en tant qu'étudiants toute responsabilité vis-à-vis de tout préjudice». C'est dire la complexité de la situation où chacune des deux parties, ministère de tutelle et résidents, utilisent des textes juridiques pour se justifier et défendre sa position. En définitive et devant ce dilemme, ce sont les hôpitaux qui, dès demain, vont entrer dans la zone rouge, tandis que les premiers et derniers perdants demeurent les patients qui se trouvent depuis plus de cinq mois otages d'un bras de fer qu'ils n'ont jamais provoqué.