Si en règle générale, les artistes sont volubiles et exubérants, ce trait de caractère ne semble pas trop s'appliquer à l'artiste-peintre et photographe Amel Benmohamed. D'une grande discrétion, et avec beaucoup de réserve, Amel Benmohamed se réfugie dans sa carapace, mais dès que la glace est brisée, c'est une artiste pleine de chaleur, de cordialité, et de convivialité qui se présente. Ayant comme viatique un talent indéniable et des projets en bandoulière, Amel discourt avec éloquence et urbanité de ses deux grandes passions, la peinture et la photographie. Sage et sensée, à la profondeur d'analyse, cette plasticienne est positive et optimiste. Avec «plus d'une corde à son arc», elle se greffe un autre penchant qui est la photographie d'art qu'elle affectionne particulièrement. Cette jeune artiste empreinte de sensibilité et de douceur, les évoque avec brio tout en ayant une prédilection pour cette dernière. D'un calme olympien, Amel Benmohamed raconte sa belle aventure dans le domaine des arts qui lui procure d'intenses émotions. Sa trajectoire picturale diffère de bon nombre d'artistes au regard de son entrée par effraction dans le domaine des arts plastiques. Enfant, elle appréciait particulièrement le dessin, mais cette aptitude a été contrariée et elle a grandi avec l'idée qu'elle ne savait pas dessiner au vu des désobligeantes remarques affligées par son professeur de dessin du CEM qui pensait qu'elle trichait. Ses dessins qui étaient très bien exécutés ont semé le doute chez cette enseignante. Après ce triste épisode, elle a laissé le dessin de côté et en classe terminale, elle le reprend en faisant des reproductions de dessins animés. Avec son diplôme de commerce international en poche, Amel rendit visite à son amie qui l'exhorte à passer le concours d'entrée aux Beaux arts. Reçue à l'examen et encouragée par son oncle, elle suit le cursus de cinq années à l'école supérieure des beaux-arts spécialité peinture. Durant sa scolarité universitaire, elle fait des reproductions de portraits au fusain et au pastel ainsi que de la création. A la fin de son cursus, sa tendance se précise et se décline dans l'abstraction lyrique à l'image de ses professeurs Arslan et Yahia Abdelmalek. Pour le premier, «sa peinture est une explosion de couleurs harmonieuses lyriques qui se rapproche de la mienne», dit-elle et d'ajouter : «Pour le second, il travaille sur de l'abstrait où l'on trouve le mouvement et cette manière de mélanger les différentes techniques et matériaux me plaît.» L'abstraction lyrique Fascinée par la Dame Nature et principalement par la mer et le ciel, Amel ne cesse de les côtoyer dans ses compositions. C'est un panel de tons doux et plaisants qui émanent des toiles de cette artiste émérite. Sa peinture nuancée à la dominance de bleu s'accommode avec d'autres teintes dont le rose tendre. Sa palette reste douce aux couleurs joyeuses et sereines à son image. A ce sujet, Amel précise : «ma palette est composée de couleurs tendres, mais je me refuse à me limiter à une gamme précise.» Pour elle, le choix de l'abstraction lyrique est intervenu presque à son insu. Ses mentors ? Un duo dont le chinois Zao Wou-Ki qui reste son plasticien préféré et Lui Xiuming, une femme ayant le même style qu'elle. Ce tandem contemporain travaille comme elle sur le ciel et la mer. Cette similitude a fait que son enthousiasme et engouement pour eux s'assimilent à de l'admiration. Les peintures d'Amel Benmohamed sont pleines de vigueur et de frénésie et ses couleurs enchantent et captivent l'attention. Elle a ce don particulier de savoir ordonnancer les chromatiques qui donnent un rendu d'une grande esthétique. Durant sa période estudiantine, elle a participé à bon nombre d'expositions collectives et individuelles en Algérie et plus tard à l'étranger, notamment à une semaine culturelle à Moscou, et à d'autres respectivement en Tunisie, Espagne, Suisse, Maroc et la toute dernière intitulée : «Taïbaa» au musée national du Bardo. Il est à relever que la talentueuse artiste a été primée lors du concours Aïcha Haddad de la meilleure peinture par le troisième prix et a reçu le prix d'encouragement Ali Maâchi. La photographie, l'autre passion Habitant à Aïn Bénian (à l'ouest d'Alger) dans une maison face à la mer, à 21 ans son père lui offrit un appareil photo pour capter le coucher du soleil sur le grand bleu. Novice dans ce domaine, elle s'initie à la photographie lors de workshop de gravures et de photographies avec deux artistes, notamment l'espagnol José Hernandez et l'allemand Andreas Rost. Ces cours ont été très bénéfiques pour Amel qui aime découvrir des horizons nouveaux. Après ce stage, son appareil en bandoulière, elle prend des instantanés de cette nature belle et généreuse et s'oriente vers la photo d'art. Notre artiste a subi l'influence du photographe Yahn Artus Bertrand dont les photos aériennes du documentaire : «Algérie vue du ciel» sont sublimes. Sa nouvelle exposition retient la thématique des drapés. Ils sont réalisés dans des couleurs fuchsia, rose et mauve et plaident pour la légèreté, l'évanescence et l'élégance. Ils sont magnifiques tant la vision irréelle se fond avec ces vagues de tissus. A cet effet, elle avoue : «j'ai toujours été fascinée par le drapé comme les peintres de la Renaissance qui sculptaient le marbre dur sur lequel on voit une certaine sensualité, douceur et esthétique.» Pour les nuances, elle rappelle qu'elle apprécie ces couleurs pour mieux voir ce qu'elle veut transmettre. Dans ses photos, elle apprécie essentiellement le mouvement et la mobilité qui offrent un ravissement et une certaine délicatesse. Pour la plasticienne, le mouvement et le changement représentent la vie et l'évolution. Une dialectique qui imprègne toute son œuvre. «Dans le ciel, on voit le mouvement et dans le drapé on a la même lecture», explique-t-elle. Avec le temps et l'expérience, en combinant ses deux passions, sa prédilection va vers la photographie. D'ailleurs, sa prochaine exposition se situe dans ce registre. Mais cela ne sous-entend pas que la peinture est négligée, loin s'en faut. Dans tout ce qu'elle fait, soit l'art pictural ou la photographie, elle affirme que «la notion de beauté doit exister». Galeriste Amel Benmohamed estime que l'art doit être accessible à tous. «On lit la démarche de l'artiste, mais chacun a sa propre lecture». Aussi, aimant intensément l'art, elle en a fait son métier qu'elle exerce comme un sacerdoce. Galeriste à l'espace Ezzou'art du centre commercial de détente et de loisirs à Alger, elle ne cesse de débusquer de jeunes et nouveaux talents. Dans le cadre de sa fonction, elle rencontre des artistes avec lesquels s'établissent des échanges intéressants qui lui permettent d'être au fait et à jour de ce qui se passe. Avec un parcours aussi prolifique, Amel Benmohamed est une signature prometteuse dans le paysage de la peinture et de la photographie.