Pendant que les formations politiques du pouvoir ont adopté un silence prudent, l'opposition n'a pas ménagé le chef de l'Etat. Encore une fois, le chef de l'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, déçoit par son discours. Malgré l'échec de sa première tentative d'organiser un dialogue avec les acteurs de la scène politique, le 22 avril dernier, n'ayant pas appris la leçon, le voilà subir un second affront. Au lendemain de son discours à la nation, où il a réitéré l'appel à un «dialogue intelligent, constructif», et a annoncé le maintien des élections présidentielles aux «délais convenus», c'est-à-dire au 4 juillet prochain, malgré le niet du peuple qui, d'ailleurs, revendique son départ, des rejets en cascade ont été exprimés par les partis. Pendant que les formations politiques du pouvoir ont adopté un silence prudent, l'opposition n'a pas ménagé le chef de l'Etat. Le Front des forces socialistes (FFS), a dénoncé l'entêtement des décideurs à s'accrocher à leur feuille de route constitutionnelle comme issue à la crise. «Le FFS constate avec consternation, que les décideurs actuels, qui sont visiblement exclusivement issus du cercle fermé de l'état-major de l'armée, au lieu de répondre au sursaut historique de la dignité du peuple algérien, sont radicalement résolus à exécuter et à imposer leur propre feuille de route», écrivait hier, le parti, dans un communiqué signé par son premier secrétaire national, Hakim Belahcel. Sans surprise, ajoute le parti, le discours de Bensalah «a réitéré la volonté et l'entêtement des décideurs à aller vers une élection présidentielle». Une élection par laquelle «ils souhaitent sceller définitivement le destin de notre patrie, et la livrer ainsi à un autre processus d'asservissement et de totalitarisme». Pour ce qui est du dialogue, le vieux parti de l'opposition a affirmé qu'«un vrai dialogue ne peut pas et ne doit pas se faire avec ou à travers des personnages, qui sont viscéralement et radicalement désavoués par la majorité du peuple Algérien». Bensalah : «un symbole» du régime Djilali Soufiane a, de son côté, estimé que Bensalah «a un grave problème de compréhension». «Le pouvoir n'a pas compris une chose : les mêmes causes entraînent les mêmes effets», a-t-il déclaré au forum du quotidien Le Courrier, rappelant que le chef de l'Etat avait déjà tenté, il y a quelques jours, d'organiser un dialogue. Mais, les partis n'avaient pas répondu, jugeant que «la présidentielle est un non-sens». Pour le président de Jil Jadid, «les algériens ne veulent pas de l'élection du 4 juillet au nom de l'article 102, organisée par le même pouvoir, les mêmes symboles du régime de Bouteflika, avec les mêmes lois, les mêmes règles, les mêmes walis». «Ce n'est pas possible», a-t-il tranché. Le Parti des travailleurs (PT), qui a réuni son secrétariat du Bureau politique, n'a pas été avec le dos de la cuillère pour dénoncer un discours, qui tourne le dos aux aspirations du peuple algérien. «Le discours du chef de l'Etat par intérim sonne comme une fin de non-recevoir aux aspirations de l'écrasante majorité, qui veut se libérer du carcan du système décomposé, et du régime présidentialiste autoritaire et anti-démocratique et de sa constitution, dans laquelle les partisans du maintien du statuquo veulent l'enfermer, telle une camisole de force», s'est insurgé le parti de Louisa Hanoune dans un communiqué. Un non-évènement En annonçant le maintien de la présidentielle au 4 juillet, analyse le PT, «Bensalah a confisqué le droit du peuple de trancher sur la nature du régime, et donc des institutions à mettre en place». Face à cette situation, le PT appelle à «la poursuite de mobilisation massive et unitaire», pour «stopper la contre-révolution en marche, et d'imposer la victoire de la révolution du 22 février». Il entend par là «le départ de tout le système pour que s'exerce enfin la souveraineté du peuple». Vide de toute nouveauté, le silence de certaines formations politiques de l'opposition, à l'image de Talaie El Hourriyet ou du RCD, prouve en tout cas que le discours de Bensalah est presque passé inaperçu. «Un non-événement», comme l'a qualifié le MSP par la voix de son cadre, Farouk Tifour, intervenu sur une chaîne de télévision. «Vue l'ampleur de ce qui se passe, le discours est vide sur tous les plans. Il devrait être suivi par l'annonce de la démission de Bensalah», a jugé Tifour, qui rappelle que «Le Hirak était clair dès le début, concernant la nécessité de départ de tous les symboles du régime de Bouteflika, et Bensalah en fait partie». Quant au vide constitutionnel que brandit le chef de l'Etat, l'orateur dira que les algériens sont «eux-mêmes la Constitution» et sont «au-dessus» de l'actuelle Loi fondamentale.