«Pour prendre le métro, il nous faut une aide des agents chargés de la sécurité ou des citoyens. Nous ne voulons dépendre de personne. Nous voulons qu'on soit considérés comme des citoyens à part entière et non comme des sous-citoyens», s'emporte un handicapé. Les personnes à mobilité réduite au niveau de la capitale continuent de faire l'objet d'une véritable discrimination. Et pour cause, ces personnes, condamnées à se déplacer à l'aide de chaises roulantes trouvent d'innombrables difficultés pour se rendre dans des établissements privés et publics ou pour se déplacer carrément sur les espaces réservés au piétons. «Comment voulez-vous que des personnes à mobilité réduite, nécessitant une assistance particulière, puissent y accéder et circuler en toute liberté alors que les trottoirs et les passages pour piétons sont occupés à longueur de journée par les automobilistes et les vendeurs ambulants ?», s'interroge un handicapé. Pour notre interlocuteur, rares sont les endroits qui sont aménagés pour recevoir des personnes à mobilité réduite. «Prenez par exemple, les services d'état civil des Apc, les bureaux de poste ou ceux de la Sonelgaz, combien sont-ils à travers la capitale qui sont adaptés à recevoir une personne handicapée sur sa chaise roulante ? Je peux vous les compter sur les doigts d'une seule main alors que notre ville compte 57 communes et plusieurs centaines de bureaux de poste et ceux de la Sonelgaz», s'étonne notre vis-à-vis. «L'autre jour, c'est grâce à une aide de plusieurs personnes à Hydra que j'ai pu accéder au bureau de poste de cette commune. Pourquoi les préposés à la gestion de ce bureau n'ont pas prévu un couloir pour permettre aux personnes à mobilité réduite d'accéder directement sans l'aide de personne ?», s'interroge notre interlocuteur non sans préciser qu'au niveau de la poste d'Hussein Dey, située à la cité Amirouche, une rampe pour personne à mobilité réduite a été aménagée. «C'est le cas également du nouveau siège de l'Apc de Hydra ou une rampe et un ascenseur ont été réalisés alors que pour accéder au bureau du maire de Hussein Dey, il nous faut une aide extérieure dès lors qu'il est situé à l'étage supérieur dans un immeuble». Cette situation n'est pas propre aux communes ou aux bureaux de poste de ces deux communes. «La grande majorité des établissements ou entreprises publics ou privés sont dépourvus de ces couloirs ou des moyens pouvant faciliter l'accès aux personnes handicapées. Dans tous les pays du monde, des ascenseurs existent afin de permettre à ces personnes d'accéder aux rames du métro. Sauf chez nous. Pour prendre le métro, il nous faut une aide des agents chargés de la sécurité ou des citoyens. Nous ne voulons dépendre de personne. Nous voulons qu'on soit considérés comme des citoyens à part entière et non comme des sous-citoyens», s'emporte notre vis-à-vis. Il est utile de préciser dans ce sens que la gratuité du transport des personnes aux besoins spécifiques sur tout le réseau de l'Entreprise du métro d'Alger (EMA), à travers tout le territoire national, est effective depuis le 14 mars. «Les détenteurs de cartes d'handicapés devront présenter ce document au niveau des guichets des différents moyens de transport – métro, tramway et téléphériques – pour bénéficier d'un billet gratuit», avait déclaré Mounia Meslem, ministre chargée de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine. Les véhicules adaptés non disponibles Le problème de la disponibilité des véhicules adaptés pour personnes handicapées continue de se poser. Pire, il va s'accentuer avec la crise qui secoue actuellement le secteur de l'automobile. Les titulaires d'un permis de conduire catégorie F doivent souvent attendre des mois pour recevoir, sur commande, leurs voitures équipées de boîte de vitesses automatiques. Ils doivent ensuite dépenser jusqu'à 400 000 DA pour leur aménagement. Pourtant, la loi de finances 2016 reconduit une disposition portant sur l'exonération des redevances douanières quant à cette gamme. Un avantage dont ne profitent pas vraiment les conducteurs auxquels il est destiné. Il est utile de savoir que certains handicaps ne nécessitent qu'une simple boite à vitesses automatique alors que d'autres requièrent une installation bien plus complexe où toutes les commandes sont au niveau du volant. L'Etusa sort du lot La législation algérienne exonère les personnes handicapées moteur des droits de douanes lors de l'acquisition d'un véhicule neuf (ce qui représente 15% du prix d'importation du véhicule). Sauf que selon certains concessionnaires automobiles, le préparateur doit accepter de se déplacer et de faire son installation sur le véhicule en espace sous-douane sans quoi la personne handicapée ne peut bénéficier de l'exonération des droits de douanes. Une anomalie que les services des douanes sont appelés à corriger. L'Entreprise de transport urbain et suburbain de l'Algérois (Etusa) sort du lot. Cette entreprise a entrepris un programme afin de mettre à la disposition des personnes à mobilité réduite des bus équipés de palettes rétractables. Lancée en 2010, à titre expérimental, avec seulement deux bus, l'opération a été graduellement généralisée pour couvrir pratiquement toutes les destinations. Aujourd'hui, plus de 15 bus sont équipés pour recevoir des personnes à bord de chaises roulantes. «Nous n'avons rien inventé, mais juste copié ce qui se fait dans les pays développés pour les handicapés, en mettant en circulation des bus aménagés et adaptés, selon des standards européens, afin de faciliter le déplacement des personnes handicapées», dira un handicapé. Pour la responsable de communication de l'Etusa, les usagers et les conducteurs de ces bus rencontrent des difficultés liées aux aménagements urbains comme les trottoirs trop hauts pour permettre à la palette de s'y poser convenablement. «Il faut lancer un travail de sensibilisation en direction des collectivités locales et des organismes chargés de réaliser les aménagements à l'intérieur de l'agglomération. Les bus sont dotés de planchers bas pour permettre aux personnes à mobilité réduite de monter à bord, ces planchers ne sont pas adaptés à la hauteur des trottoirs», dira-t-elle. En attendant que cette initiative se généralise à travers l'ensemble des services publics, certains chauffeurs de taxi acceptent de prendre en charge les personnes à mobilité réduite.