Dans les chaumières d'Alger, des autres villes et des douars, on n'a pas l'habitude, en temps de turbulence, de se défaire de ses certitudes : Hosni Moubarak est aux Etats-Unis. L'Amérique ne va quand même pas lâcher, comme ça, celui qui a été des décennies durant son représentant le plus fidèle dans la région, le garant le plus sûr de sa politique dans la région et l'allié le plus actif d'Israël. Ce n'est pas vraiment dit comme ça, mais on n'en est pas vraiment loin. En temps de turbulence, il y a l'information que tout le monde croit être la vérité et les «convictions profondes». Dans les cafés de Bouira, au coin d'une rue de Mostaganem ou autour de la théière à Béchar, on ne renonce pas aussi facilement à l'info qu'on espère. Et qu'on pense donc aussi sûre que deux et deux font quatre. Qu'elle relève du doute ou du fantasme, il n'est pas question de tout avaler. Il y a eu CNN et l'Irak et bien avant, le siège de Beyrouth… Zine El Abidine Benali est mort. A Jijel comme à Ain Tagouraït, on n'a pas l'habitude de prendre des gants pour jurer par Dieu et tous les saints. Difficile à vérifier, mais on s'en fout un peu : la vérité, c'est d'abord le contraire de ce que tout le monde croit être la vérité. Comme Benali n'a pas la force, encore moins l'intention de parler, il est difficile de vérifier qu'il est vivant. On peut alors jurer sans gros risque qu'il est mort. Mouammar El Kadhafi a actionné ses sosies. On le sait fantasque et exubérant, mais pas assez courageux pour se montrer sur la place verte pour haranguer une foule, quand bien même elle serait factice. N'est-il pas l'illustration parfaite du paranoïaque accompli ? On ne le dit pas vraiment dans ces termes, mais on le pense. Ce n'est certes pas El Jazzera qui a filmé ça, mais il y a pire qu'El Jazzera : la télévision libyenne. On a peut-être oublié que dix-sept algériens sont toujours aux mains des pirates au large des côtes somaliennes, mais pas au coin des rues, dans les cafés et autour du feu. Dans ces espaces-là on n'a pas oublié. Non pas parce qu'on y est plus sensible qu'ailleurs, mais parce que comme pour Moubarak, Benali et Kadhafi, il faut bien qu'on donne la «vraie» version des faits. Mais problème, il n'y a personne qui en parle pour qu'on puisse dire le contraire. Alors on prend des risques. Au point de reprendre les propos de l'armateur dont on n'attendait pas qu'il s'exprime sur une question de haute sécurité ! Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir