Pour une bonne nouvelle, c´est une bonne nouvelle! Dans l´Algérie machiste, cette innovation sonne le glas de la domination de l´homme, à moins que...Mais cela je ne veux pas le croire! Résumons-nous s´il vous plaît et essayons d´imaginer ce que serait la vie sur terre pour l´homme s´il n´avait pas à côté de lui la femme, sa compagne, sa collègue, son double différent. Eh bien, la vie serait insupportable! La vie serait une erreur! Je n´oserais pas vous entraîner dans le fameux sketch où Fellag nous peint le triste tableau d´un monde divisé en deux camps: l´un empli de bruit et de fureur, de désordre et de saleté, et l´autre est le paysage idyllique où règnent ordre, beauté, calme et volupté, comme le dit si bien le poète. Vous aurez sans doute deviné que le premier camp appartient aux hommes et que le second est le royaume du sexe dit faible. Il y a une grande part de vérité dans cette satire de Fellag quand vous avez la malchance de pratiquer les lieux uniquement fréquentés par les moustachus (je dis cela parce qu´il paraît que la barbe...). Prenons par exemple, les cafés dits populaires (je ne parle pas de ces salons de thé où la moindre consommation coûte 50DA et que vous êtes obligés de respirer l´odeur de la cire, de l´eau de Javel ou le désodorisant bon marché), je veux parler de ces cafés que l´on ne balaie qu´une fois par semaine, où les crachats de chique sont hypocritement recouverts de sciure de bois, ces troquets où l´on ne s´entend pas parler, où les jurons ponctuent le bruit sec des dominos qui s´abattent sur les tables. Je ne parle pas de l´atmosphère embrumée ni de l´odeur nauséabonde de la fumée de cigarettes. Eh bien, quand on a connu ce genre de «cafés», on ne s´étonne plus des nombreuses maladies qui écourtent la vie de leurs habitués. On est loin de ces cafés propres où se réfugiaient, jadis, les intellectuels. Les miroirs décorés renvoyaient l´écho des discussions savantes: les idéalistes faisaient et refaisaient le monde autour d´un café, d´une bière. Et je ne parle pas de l´ambiance feutrée des coins obscurs où les amoureux clandestins se réfugiaient le temps d´un serment... Non, le café chez nous n´a plus cette vocation. Il y a, me direz-vous, les salons de thé où les gens des deux sexes se retrouvaient pour faire plus ample connaissance parce que le peu de salles de cinéma qui restent sont infréquentables. Heureusement qu´il y a à Constantine quelqu´un qui a eu la lumineuse idée de créer un café réservé aux femmes. Ainsi, nos compagnes pourraient, loin de tout harcèlement, s´adonner aux plaisirs du bavardage, de la détente, d´échanges dans le cadre agréable qui est propre à la gent féminine. Faut-il voir là un progrès ou une régression, un premier pas vers la création d´un univers féminin parallèle à celui des hommes et qu´au milieu, il y aurait une ligne continue qu´il ne faudrait franchir qu´avec la bénédiction de la morale et de la bienséance? Est-ce la fin d´une mixité balbutiante? Je n´ose pas le croire! Gageons plutôt que bientôt, sur le trottoir d´en face, il y aura un autre café réservé, celui-ci, aux seuls hommes qui viendraient, entre café et cigarette, admirer ce qui se passe en face! Ce café-là ferait salle comble! (Et si l´un n´existe que grâce à l´autre?) Pensons plutôt à l´effervescence qui régnerait dans cette rue qui fut jadis calme, trop calme...Pensons aux allers-retours entre les deux trottoirs rien que pour admirer le mouvement...ou pour entendre les voix fines demander «garçonne, un café!» [email protected]