C´est le titre d´une chanson gaillarde et burlesque de Georges Brassens qui rappelle quelque part l´héritage de Rabelais. Mais ici, il s´agit, hélas, d´une triste et tragique réalité qui prévaut sur les routes ensoleillées du pays. L´été est arrivé depuis longtemps grâce à une réalité climatique qui fait du soleil un facteur essentiel à toute planification humaine. L´été arrive et, grâce aux sacrifices des couches populaires françaises et aux luttes ouvrières de 1936, les vacanciers en groupes, en ligues et processions se précipitent en masse, dans un désordre indescriptible vers les lieux de leur villégiature. L´été est arrivé et l´immense masse de ferraille importée à coup de pétrodollars se met en mouvement dans un effrayant bruit de moteurs pétaradant et fumant. L´été est arrivé et une foule de gens confinés jusque-là dans les espaces réduits des oppressantes cités se jettent, tels des cow-boys, sur leurs destriers polluants, et foncent à tombeau ouvert vers un littoral rafraîchissant, un coin ombragé d´un douar natal. Enfin, ils foncent à tombeau ouvert. Le terme n´est pas exagéré. Tous les bilans le confirment: chaque semaine, chaque mois, les services de sécurité publient les chiffres effarants des accidents de la route avec leur lot de morts, de blessés et de dégâts matériels. Alors que dans les pays du Nord, les chiffres de la comptabilité macabre des victimes de la route tendent à s´infléchir d´une manière sensible au fil des années, une courbe inverse se développe dangereusement de ce côté de la Méditerranée. Peut-on mettre ce fléau qui frappe la société sur le compte de l´inconscience, de l´incivisme proverbial des citoyens ou d´une culture où la fatalité est sans cesse invoquée pour expliquer une situation prévisible? Heureusement que notre société a hérité d´une culture qui ne sacrifie pas à Bacchus de quotidiennes libations mais par contre, les comportements criminels de certains usagers de la route et un Code qui n´arrive pas à se mettre au niveau du développement du trafic routier, compensent largement le non-usage de l´alcool. Alors, il faut chercher les causes ailleurs. Dans les pays du Nord, les poids lourds sont astreints à rouler sur les couloirs de gauche qui leur sont réservés. Chez nous, les mastodontes sont à l´aise sur toutes les voies: sur des routes à voies rapides où la vitesse est limitée à 80 km/h, vitesse signalée par des panneaux plantés tous les 100 m, il n´est pas rare qu´un conducteur respectant cette vitesse limite ne soit harcelé par un de ces cars monstrueux qui déplacent des montagnes d´air. Il est obligé de se ranger sur la gauche. Plus le véhicule est haut, plus il est lourd et plus son conducteur se conduit comme un caïd. Etant à l´abri d´un dommage corporel, il se défoule en mettant mal à l´aise les autres «sanafirs». Vitesse, négligences, non-respect du Code de la route, imprudence sont les facteurs de ces hécatombes récurrentes qui endeuillent les familles. Jadis, une émission produite par l´Unique (quand elle avait des ambitions didactiques), prodiguait mille conseils aux conducteurs. Mais, hélas, Chorti el mekhfi qui avait rencontré beaucoup de succès auprès du public, n´a pas été remplacée. Des mesures plus draconiennes, des contrôles plus sévères devraient ramener les chauffards à la raison et faire en sorte qu´une promenade ne se termine en tragédie.