Quatre documentaires, quatre regards vrais qui interrogent le réel sur la situation socioculturelle et politique de notre pays. L´Association Chrysalide a fait fort ven-dredi dernier en programmant le fruit de l´atelier documentaire Béjaïa Doc dans sa promotion 2010.Des films Initiés par l´association Cinéma et Mémoire de Béjaïa en partenariat avec Kaina Cinéma de Paris. Et ça ne rate pas! Le public a répondu présent car toujours friand d´images qui lui parlent et surtout dans lesquelles il se reconnaît. «Si tu possèdes la mort, lâche-la» entendons-nous dans un des films. C´est aussi le sens qu´on pourrait donner à tous ces films qui interpellent les consciences et vous prennent aux tripes, même si certains sont techniquement mieux faits que d´autres. Des films qui dénoncent la mal-vie des Algériens dont la jeunesse constitue bien plus que la moitié de la population. Une jeunesse en porte- à-faux avec ses maux et ses défauts, des déboires et ses espoirs. Dans Les Pêcheurs de sable (19e mn), le réalisateur Yazid Arab filme les ramasseurs de sable de l´Oued Sebaou dans la région de Tizi Ouzou. Des jeunes laissés-pour-compte qui triment jour et nuit, pour gagner leur vie comme dans un monde parallèle, le pied dans le fleuve et l´esprit ailleurs, vers l´eldorado.. Si le pessimisme régente ce premier film qui ouvre la soirée, le second se veut plutôt optimiste, mais de façon presque sournoise, même naïve. Dans Dima Elgoudem! (Vers tous les espoirs 27´ mn), Amir Bensaïfi jeune fan de jazz et de musique a filmé cet événement qui transforme sa ville Constantine, le temps d´un festival: le Dimajazz festival. Malgré les apparences, ce n´est pourtant pas un film de pub sur le festival, car les propos sont ailleurs. Il est dans cette image de bonheur si attendu dans l´année et partagé enfin en toute liberté entre garçons et filles durant les huit jours que dure cet événement phare, qui fait sortir les familles une fois n´est pas coutume, la nuit pour lui faire goûter aux joies de l´existence. Mais huit jours dans l´année est-ce suffisant? Première image qui ouvre le film: une photo sur laquelle on reconnaît le batteur, feu Azizz Djemam de Constantine qui a fait beaucoup pour la naissance de cet événement dans la ville des Ponts. L´ancien directeur artistique de Dimajazz qui voulait beaucoup de bien à sa ville est décédé en 2005, à l´âge de 33 ans seulement! Bel hommage qui lui est rendu, même en clin d´oeil. Comble de l´ironie. Un jeune se dit faire partie de cette génération qui doit faire bouger les choses en Algérie. L´image qui suit est éloquente. Au fronton de la scène, le nom d´un groupe: Illusion! Est-ce une blague cynique ou juste une coïncidence? Le réalisateur dira s´en être rendu compte à la fin du montage. Un signe peut-être, qui dans la sémiologie des images, est lourd de sens...Dans Kermouss n´sara (Les Figues de Barbarie 18 mn) Yassine Izarouken aborde avec acuité la question d´identité, mais aussi d´appartenance, de diversité. Yassine va chercher dans son entourage des réponses à ces questions épineuses... A une génération «immature» fait face l´ancienne, représentée par cette vieille dame qui vivait en tout simplicité avec les pieds-noirs ou encore cette militante de la première heure, Annie Steiner qui confie, «avant, on était plus ouvert» tout en dénonçant le laxisme des autorités qui ne se «sentent pas concernées» par les souffrances du pays et notamment de ces jeunes qui meurent en mer, dans le silence. Sans transition, comme une continuité est le film de Aboubakr Hamzi Elberani (L´Etranger 34 mn). Bouba voulait filmer une harga? Mais quand on lui demande de quoi parle son film, il nous répond «le Rap»! La première image du film semble rien à voir avec le reste et pourtant.. One two three viva l´Algérie!.. Et une vieille dame qui dit aux jeunes de nous faire gagner la coupe! Cette jeunesse porte sur ses épaules un lourd fardeau, celui du changement! Le suite est un filmage plus intimiste, car d´intervieweur à interviewés. Bouba choisit deux individus écorchés vif. Un jeune rappeur et un artiste-peintre. Le rappeur se dit vivre comme un clochard. «Tu vis dans le noir comme un hors-la-loi. L´état te voit comme un microbe». Des images défilent comme dans un clip où le rappeur chante son profond marasme, sa désillusion, celle de nombreux jeunes comme lui. Puis face à la caméra, il se raconte. Un monologue des plus bouleversant... Un artiste-peintre assis à même le sol, peint tout en chantant. «Mon pays ne m´a pas laissé rêver» confie-t-il. Un jour, alors qu´il est étudiant, il rencontre une Européenne dont il tombe follement amoureux. Le hic, pas de visa pour aller la rejoindre. Les années passent et la brûlure demeure, seuls les rêves s´épuisent et trépassent. Et ça fait mal. Un film oppressant qui vous prend à la gorge. Le film dévoile la vie précaire de l´artiste en Algérie. Et cette scène montée -fictive - de ces jeunes en situation de harga. Eux, se disent ne pas faire partie de ce «One two tree viva l´Algérie». A quoi bon? Notons que ces projections font partie d´un cycle appelé Fabrication locale. «Pour éviter la désignation, cinéma algérien, car nous considérons que le cinéma est d´abord un lieu de réflexion en images et en sons avant d´être un objet bureaucratique» souligne-t-on.