La scène semble surréaliste, tellement surréaliste que nous avons cru, un moment, qu'il s'agissait d'une opération de distribution du couffin de Ramadhan. Une trentaine de clients, issus pour la plupart de la commune de Kouba, se bousculent pour accéder à l'une des boucheries jouxtant la mosquée de Ben Omar. Malgré la cherté de la viande, la queue devant la boutique est vraiment impressionnante. Certes, la plupart d'entre eux n'ont pas les moyens pour se payer un gigot d'agneau ou de boeuf, mais cela ne les empêche pas d'acheter de la viande en morceaux pour garnir leur table ou relever le goût de leur chorba. D'ailleurs, certains n'ont pas caché qu'ils consomment une demi-livre de viande quotidiennement dont une partie sert à la préparation de la chorba. C'est peu, très peu même, surtout pour une famille qui compte cinq ou six personnes. Au prix où elle est vendue, actuellement, on ne peut pas dire que la viande est à la portée de toutes les bourses. Chez certains bouchers, elle a atteint les 1400 dinars le kg, soit 8% du salaire national minimum garanti. Afin d'aider les ménages à faible revenu, le gouvernement importe régulièrement de la viande congelée.En janvier 2012, 35 tonnes de ce produit ont été mises sur le marché, au prix de 500 dinars le kg, mais rares sont les gens qui se l'ont procuré à ce prix. Revendue à 600, voire parfois à 700 dinars le kg, la viande congelée n'a profité finalement qu'aux spéculateurs qui font feu de tout bois et profitent souvent de l'absence de contrôle pour faire prospérer leurs petites affaires. Pour le mois de jeûne, il a été prévu l'importation d'importantes quantités de viandes blanches congelées pour répondre à la demande en poulet de chair, qui ne cesse de croître. Bien qu'annoncé pour le début du mois de Ramadhan, le poulet congelé n'est pas visible partout et son prix qui était fixé à 250 dinars le kg, a été augmenté de 10 dinars par les marchands de volaille. Vu que c'est l'Etat qui s'est chargé, lui-même, de l'importer, on ne peut nous invoquer encore cette sempiternelle histoire d'érosion du dinar. D'ailleurs, les commerçants en usent souvent. Chaque fois qu'ils décident d'une augmentation des prix, ils essayent de nous faire avaler une couleuvre, en invoquant la hausse du cours de l'euro. Le marché des viandes rouges et blanches est très juteux. L'Etat lui consacre, chaque année, une grande enveloppe financière pour se développer. Or les tares relevées au niveau des circuits de distribution et surtout l'absence de moyens de contrôle et de suivi fragilisent le marché et le déstabilisent à long terme. Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural, et celui du Commerce doivent coopérer étroitement pour mettre de l'ordre dans la maison et freiner ces flambées qui ont fini par rendre la vie difficile à tout le monde.