Le ministre des Finances s'en remet au prochain conseil du gouvernement pour discuter de l'impact du vote de la loi de finances 2005. Ce qui s'et passé, ce lundi, à l'APN est un remake de l'année dernière avec une précision de taille, la majorité des députés sont issus des partis de l'alliance présidentielle. Le ministre des Finances, qui a essuyé un camouflet devant les locataires de la chambre haute, s'en remet dorénavant au conseil du gouvernement qui se réunira prochainement. D'ailleurs dépité, cette mortification qui lui a été infligée, l'a vraiment secoué, alors qu'il s'attendait à un modus vivendi sur un nombre significatif de dispositions auxquelles l'Assemblée populaire a fait barrage notamment la hausse du prix du gasoil de 5 DA et la levée de l'interdiction sur l'importation des vins. La désapprobation des députés l'a mis très mal à l'aise. Pour preuve, cette laconique phrase résumant son dépit, à l'issue de l'adoption de la loi de finances, «je ne suis pas ici en tant que ministre des Finances. Je suis le représentant de tout un gouvernement», a-t-il précisé. Ces propos proférés de la sorte démontrent que le rejet des augmentations dans leur version initiale sonne comme un vote-sanction contre sa personne. Se sait-il honni par les députés qui ont souvent eu à se plaindre de ses éclats de colère et de son comportement réfutant la contradiction ainsi que ses multiples reports injustifiés des débats? Cependant loin de se restreindre à cette simple hypothèse, il faut préciser que les couacs ont émaillé les sorties médiatiques du chef du gouvernement et du grand argentier du pays à propos de questions fondamentales, touchant à des points sensibles qui ne sauraient contrarier les accords avec les institutions internationales et la poursuite du processus de négociations avec l'OMC. Rappelant l'avalanche de déclarations se succédant entre le chef du gouvernement et son ministre des Finances qui a fait la moue devant la mesure sommant les entreprises publiques de déposer leurs avoirs dans les banques publiques afin d'éviter la réédition de l'épisode Khalifa. Après le spectaculaire coup de théâtre qui s'est produit à l'APN, à l'origine de la déroute de Benachenhou, on se demande à quel jeu on s'adonne en haut lieu? Tout le monde tablait sur une adoption sans remous, vu que l'opinion publique a pris l'habitude de voir des lois décriées passer comme lettre à la poste. La dizaine d'amendements apportés à la loi de finances 2005 corrobore la thèse d'une crise au sein du gouvernement et surtout notamment entre les deux pouvoirs exécutif et législatif qui doivent pourtant être complémentaires vu que l 'alliance présidentielle jouit d'une majorité parlementaire. Quel message veulent donc transmettre les locataires de la deuxième institution à l'adresse des hautes instances du pays? Cette attitude pour le moins «belliqueuse» des élus du peuple est en totale déphasage avec le programme du staff gouvernemental d'où les incohérences et les contradictions qui se font jour au risque de contrarier une alliance hybride qui s'accroche durement à ses divergences. Les supputations vont bon train et selon la grille des lectures qui s'impose, on peut retenir celle confortant les rumeurs persistantes d'un éventuel remaniement du gouvernement où certaines têtes impopulaires seront dégommées. L'autre thèse serait qu'un clan récemment écarté tenterait de se redéployer ou encore qu'on voudrait brandir l'épouvantail de la dissolution de l'auguste assemblée qui n'aurait plus sa raison d'être pour être devenue encombrante. Pourtant le président a exhorté les députés à «collaborer» et faire amende honorable. Il se pourrait que cette sollicitation ait permis aux députés de bomber le torse et de se prendre au jeu. Le message de Bouteflika était sans équivoque à l'APN lors de son discours à l'occasion du cinquantenaire de la révolution. Il a demandé un blanc-seing à ses vis-à-vis et pourtant, on a assisté à ce qui s'apparente à une mutinerie contre ceux qui tiennent le haut du pavé du navire de l'Etat à commencer par le président. Benachenhou va certainement avoir du mal à sortir du guêpier dans lequel il a été précipité par l'ensemble des députés qui ont apparemment pris le taureau par les cornes pour signifier que le gouvernement doit compter avec eux. L'homme lige du président doit engager une riposte pour que le texte concocté par son département soit conforme aux exigences internationales. Il aura comme dernier recours le Sénat qui va peut-être bloquer le texte dans sa forme amendée. Est-ce Benachenhou qui est devenu persona non grata ou est-ce une manoeuvre pernicieuse visant à faire diversion sur des choses qui se préparent en sourdine. S'il est difficile de faire une lecture claire de la situation, il n'est point possible de passer sous silence certains faits qui corroborent la thèse d'un éventuel remaniement où des fusibles doivent sauter car ils constituent une entrave sérieuse à la relance économique et à la mise en branle effective du déroulement du plan de soutien à la relance économique pour le second quinquennat. Ouyahia est également dans l'embarras si l'on tient compte de ses récentes déclarations. Il a expliqué que les augmentations étaient «inévitables'' Benachenhou a estimé que l'interdiction de l' importation des vins était «contraire aux engagements internationaux de l'Algérie» ajoutant que «le gouvernement se réunira prochainement pour étudier les conséquences de ce vote». C'est à se demander quelle est la finalité de tout ce manège, à moins que toute cette agitation ne soit l'oeuvre d'un complot ourdi pour mettre l'APN devant une dissolution irrémédiable. En tout état de cause et loin d'être dans les secrets des dieux, s'il est difficile d'y voir clair dans cette ténébreuse atmosphère, il faut situer les choses dans leur contexte. Nous sommes en face d'une crise latente qui devra éclater au grand jour et finir par secréter la sève de ce qui se trame dans les arcannes politiques. La fameuse reconfiguration de la scène politique n'a apparemment pas encore pris son visage définitif.