Désavouée, mais la ministre française de la Justice ne compte pas claquer la porte de Matignon. Le gouvernement français vient d'offrir un beau cadeau de Noël à l'extrême droite. L'Exécutif a finalement conservé dans son projet de révision constitutionnelle la déchéance de la nationalité, désavouant la ministre de la Justice, garde des Sceaux Christiane Taubira. Au terme du Conseil des ministres tenu hier, l'extension de la déchéance de nationalité a bien été maintenue dans le projet de révision constitutionnelle présenté lors de ce même conseil. Contrairement à ce qu'a déclaré Christiane Taubira, mardi dernier à partir d'Alger où elle effectuait une visite. «Le président de la République et le gouvernement ont décidé de suivre l'avis rendu par le Conseil d'Etat», lit-on dans le compte-rendu du Conseil des ministres. Le Premier ministre Manuel Valls a bien confirmé hier, lors d'une conférence de presse, que le gouvernement veut inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité pour tous les binationaux condamnés pour acte de terrorisme. Après plusieurs jours de tergiversations gouvernementales, le projet a finalement retenu la possibilité de déchoir de la nationalité française tous les binationaux nés en France et condamnés de manière définitive pour des «crimes contre la vie de la nation», incluant des actes de terrorisme, a précisé Manuel Valls. Acculé, le président François Hollande a finalement trouvé une formule passe-partout à même d'arranger tout le monde: la déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France, ne sera pas introduite dans la Constitution mais... il révise la Constitution afin qu'une loi puisse l'introduire. Et voilà tout le gratin politique français satisfait ou presque. Les socialistes hostiles au projet se prévalent du fait que la déchéance de nationalité n'est pas dans la Constitution. La droite peut jubiler puisque la déchéance de nationalité existait en France mais uniquement pour des binationaux ayant acquis la nationalité française au cours de leur vie. Quelle sera la réaction des 3,5 millions de binationaux? Comment vont-ils percevoir cette décision tant revendiquée par l'extrême droite? Pour nombre d'observateurs, c'est la brèche de la xénophobie qui est ouverte après avoir colmaté celle du fondamentalisme religieux. La décision du président Hollande de garder cette disposition dans le projet gouvernemental est un véritable camouflet pour la ministre de la Justice. En annonçant avant-hier à partir d'Alger que cette mesure ne figurerait pas dans la réforme constitutionnelle, Christiane Taubira a parlé trop tôt. «En termes d'efficacité, ce n'est pas une mesure probante. (...) Je pense que cette déchéance de nationalité sur des personnes nées françaises, donc qui appartiennent depuis leur naissance à la communauté nationale, ça pose un problème de fond sur un principe fondamental qui est le droit du sol, auquel je suis profondément attachée», a-t-elle souligné dans cet entretien. Que fera maintenant la ministre de la Justice? Va-t-elle quitter le gouvernement comme ne cessent de le revendiquer avec insistance depuis hier, la droite et l'extrême droite? Elle ne compte pas claquer la porte de Matignon.