L'euro exhibe ses muscles L'euro s'échange à 192 DA sur le marché parallèle. Cette flambée coïncide avec la publication d'un rapport officiel du Trésor français selon lequel les flux des investissements étrangers en Algérie ont diminué de 44.1% en 2014. Inquiétante poussée de fièvre et agitation inexpliquée sur les places boursières informelles du pays. La frénésie a gagné le marché de la devise au square Port Saïd à Alger, à Sétif, à Annaba. L'euro s'approche d'un seuil historique des 200 DA puisque depuis avant-hier, il a franchi la barre des 192 DA. Officiellement, le gouvernement ne donne aucune explication à même de tempérer les ardeurs des cambistes. Cette flambée intervient à un moment creux où il n' y a ni départ massif de pèlerins vers La Mecque ou de touristes vers l'étranger pour justifier une demande supérieure à l'offre. Encore que ce n'est pas le simple touriste ou le modeste hadji qui peut influer sur les cours des devises. Le grand impact est plutôt le fait des importateurs, grossistes et hommes d'affaires qui sont les gros consommateurs de la devise. Les observateurs expliquent cette poussée de fièvre par le facteur psychologique qui pousse nos compatriotes à acheter en masse des euros et des dollars, devenus depuis quelques semaines des valeurs refuges. On préfère acheter de l'euro que de mettre l'argent dans les banques algériennes. On préfère convertir le dinar en euro que de le mettre dans l'immobilier qui n'est plus un bon placement. Officieusement, on marmonne une ébauche d'explication: d'une part, c'est l'écroulement du dinar induit par la crise financière, elle-même causée par la chute des prix du baril. D'autre part, la relance, depuis quelques jours, des activités d'importation qui ont marqué un arrêt de plusieurs semaines, imposé par le gouvernement qui a contingenté certains produits. Mais on ne peut pas se suffire de cette superficielle explication. Est-il admissible dans une économie qui se dit transparente qu'entre change officiel (1 euro à 119 DA) et le change parallèle (1 euro à 192 DA), il y ait un écart abyssal estimé à près de 40%. Ce qui signifie que la fixation du taux de change obéit à d'autres facteurs et à d'autres considérations qui échappent totalement à la Banque d'Algérie. Quels sont ces facteurs? A quelle règle obéissent-ils? Qui les fixe? Il faut avouer que les lobbys qui, dans l'ombre,contrôlent ce marché sont très puissants au point de défier tout un Etat. La police a effectué une descente au square Port Saïd, mais rien n'y fit, le coup de sommation a été un pétard mouillé. Cela au moment où le projet des bureaux de change est resté lettre morte et au moment où l'allocation touristique, jugée très insuffisante (150 euros par an), pousse des millions de touristes algériens à devenir de potentiels clients de l'informel. N' y a-t-il pas une volonté de susciter, puis entretenir à dessein cette peur et cette inquiétude chez les populations? Surtout que les ingrédients sont réunis pour alimenter les rumeurs les plus folles. D'abord, le contexte politique flou et la situation économique trop fragile doublée d'un manque incontestable de communication de la part du gouvernement laissant place aux spéculations invraisemblables. Ensuite il y a lieu de noter que cette flambée de la devise coïncide avec la publication d'un rapport officiel du Trésor français selon lequel «les flux entrants d'IDE étrangers ont diminué de 44.1% en 2014 (après avoir régressé de 12.8 en 2013), passant de 2,7 Mds USD à 1,5 Md USD», souligne un rapport du Trésor français sur les investissements directs en Algérie. A ce rapport, il faut ajouter la rumeur d'un changement de monnaie qui a largement contribué à faire flamber le marché de la devise. Du coup, il y a eu un effet d'avalanche: les détenteurs de la «ch'kara» se ruèrent vers les cambistes et les professionnels de la météo politique annonçaient qu'un déluge allait s'abattre sur le pays. Au creux de toutes ces convulsions, en position d'attentiste, le gouvernement prête le flanc et encaisse. Que faut-il attendre d'un gouvernement incapable d'en finir avec les gardiens de parking? Un Etat faible ne peut s'attaquer à une grosse machine de lobbying aux relais internationaux.