Loin de briser le mouvement, la répression n'a fait que l'amplifier en s'octroyant désormais, le statut de victime de la répression du Makhzen. Le vrai combat ne fait que commencer. Les leaders de la contestation populaire qui a secoué le nord du Maroc se font entendre même en prison. Incarcérés à la prison d'Oukacha de Casablanca, les militants du Hirak ont décidé d'observer une grève de la faim illimitée pour protester contre le verdict prononcé à leur encontre par la cour de Casablanca mardi dernier. Après huit mois de procès, de lourdes peines ont été infligées aux 53 détenus du mouvement rifain à la suite de manifestations populaires dans la ville d'Al Hoceïma et ses environs. L'issue de ce procès a aggravé la frustration et le sentiment d'injustice ressentis par les populations rifaines. Il s'en est suivi d'ailleurs des réactions et des remous, notamment dans la région d'Al Hoceïma, où des heurts et des affrontements violents avaient éclaté samedi dernier entre des manifestants et des policiers, provoquant des blessés parmi les forces de l'ordre et une série d'arrestations. Le recours des détenus à la grève de la faim, a créé une panique au royaume. Pour la première fois dans l'histoire du Maroc, des parlementaires évoquant une «grave crise politique» dans le pays, ont appelé hier, à une amnistie générale en faveur des détenus, alors que le Royaume marocain est confronté depuis plusieurs jours à d'autres mouvements sociaux dénonçant, entre autres, la dégradation du pouvoir d'achat et la paupérisation de la société marocaine. Jamais le royaume du Maroc n'a été aussi ébranlé par un mouvement de contestation comme il l'a été avec le Hirak. Il dépasse de très loin la mobilisation qu'a connue le Maroc en 2011 lors du «printemps arabe». Mais ce n'est pas tant le degré de mobilisation qui fait trembler le Royaume chérifien. C'est parce que le mouvement s'est installé dans la durée et ses méthodes de lutte foncièrement pacifiques. Cela d'une part et d'autre part, il fait briser le mur du silence en créant les conditions d'une réflexion et d'un vaste débat démocratique citoyen. Les revendications formulées sont crédibles et faites à base d'un projet social, économique, culturel et réalisable. C'est par ces méthodes de lutte inédites que le Hirak devient en effet, dangereux. Cette démarche ôte toute légitimité du recours aux méthodes de manipulation, aux manoeuvres habituelles et à la répression du Makhzen. Le Comité de la défense des prisonniers a révélé que ces derniers ont refusé vendredi dernier, de faire appel des peines prises par la cour de Casablanca, estimant que «la justice avait été instrumentalisée et instruite pour briser ce mouvement populaire». Le leader du mouvement Hirak, Nasser Zafzafi et trois autres détenus qui ont été condamnés à une peine d'emprisonnement de 20 ans, ont informé leur défense qu'ils ne souhaitaient pas pour l'instant faire appel. Selon des proches des militants, cités hier, par des médias locaux, les détenus du mouvement réclament, à travers cette protestion, leur libération immédiate et rejettent le verdict du procès qui avait, rappelons-le, suscité une vague d'indignations, notamment des organisations de défense des droits de l'homme, des comités de soutien aux militants de la contestation. Loin de briser le Hirak, la répression n'a fait que l'amplifier et l'amener à se transformer en vrai mouvement qui s'octroie désormais, le statut de victime de la répression du Makhzen. Le vrai combat ne fait que commencer.