Les filles rencontrent plus de succès que les garçons Ces résultats appellent un certain nombre de questions: pourquoi les garçons sont-ils moins bons à l'école que les filles? Ensuite, sur quoi débouchera cette révolution tranquille qui anime en profondeur la société algérienne? Tout en douceur. La prise du pouvoir par les femmes est en marche en Algérie. Les résultats du bac 2018, confirment cette tendance qui doit ébranler bien des certitudes masculines. Sur un taux de réussite aux examens du baccalauréat de la session 2018 de 55,88%, a annoncé hier, la ministre de l'Education Nouria Benghebrit sur sa page Facebook, 65% des candidats retenus sont des filles. Un autre raz de marée féminin qui va remodeler de fond en comble la cartographie sociologique du pays. Le scénario se répète depuis plus de 10 ans. Elles sont au moins plus de 60% à réussir chaque année au bac donc autant de filles à l'université et par extension dans la vie active. Elles ont acquis la majorité dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Dame justice se met à la mode et se féminise, elle aussi, puisque le taux de présence des femmes dans ce corps dépasse 42%. L'on compte aujourd'hui 2064 femmes magistrates. Tandis qu'elles sont 607.000 femmes soit 31,8% de travailleurs dans la Fonction publique. La femme algérienne participe à l'activité économique à hauteur de 17,6% (1900.000 femmes) de la totalité de la population active. Sur quoi débouchera ce mouvement underground qui anime la société algérienne? Pourquoi les garçons sont-ils moins bons à l'école que les filles? Des questions qui méritent d'être posées puisqu'en Algérie, le conflit hommes-femmes, en sourdine, n'a jamais cessé. Ayant mené ensemble la guerre de libération, mais à l'indépendance les hommes ont accaparé seuls cette liberté conjointement arrachée. A l'air joyeux et aux minijupes qui ornaient les rues de la capitale durant la fin des années 1960-1970, la récréation est terminée en 1984 avec l'instauration du Code de la famille sous l'égide du parti unique. Par la force de ce code, la femme à été réduite à une éternelle mineure. Pour ceux qui doutent de la pertinence de ce paradoxe, le Code de la famille fera foi. Elaboré sous l'égide du parti unique, le texte a été révisé en 2005, mais il maintient toujours la présence d'un «tuteur matrimonial», souvent le père ou le frère, lors des mariages. Voilà donc un code qui donne explicitement «la gestion de la femme par les hommes». Depuis, le rideau est tombé, notamment avec l'incursion du hidjab importé d'Arabie saoudite, d'Iran et d'Afghanistan et la décennie noire a fait le reste. Face à ce rideau de fer imposé, la femme algérienne s'est engouffrée dans la brèche de l'école, abandonnée par les garçons happés par le tourbillon de la mondialisation qui se dessinait. Séduits par le gain facile et pressés d'acquérir un statut dans la nouvelle société de consommation née avec l'ouverture économique de la fin des années 1980, les garçons ont abandonné les bancs de l'école aux filles pour s'adonner à l'import- import, au trabendo, au commerce informel et à prendre le large vers des «cieux plus cléments en Europe». La promotion sociale qui passait par l'école n'est plus de mise dans une société qui a totalement perdu ses repères. La réussite c'est le business et l'argent! L'école, c'est pour les naïfs et les filles. Et ces dernières s'engouffrent dans la brèche de l'école et s'en servent à bon escient. Marginalisées, brimées, les femmes algériennes sont en train de prendre une belle revanche sur l'homme. La généralisation de l'enseignement leur a été très profitable. Elles ont investi l'école, le lycée et voilà que l'université tombera dans leur escarcelle. Les diplômes en poche, elles investissent la Fonction publique, le secteur des services et plus récemment le monde des affaires, mitoyen du monde politique. Dans l'histoire, ce sont les tenants de la société patriarcale qui vont trinquer. Même avec le renfort de la mouvance islamiste, leur digue va céder face à la nouvelle vague. Certes, elle n'est qu'à ses premiers balbutiements, mais la révolution tranquille s'accomplit déjà au plan social. N'est-ce pas que c'est cette dynamique underground qui a poussé les hautes autorités du pays à lâcher du lest? L'Algérie s'est distinguée dans le Monde arabe, étant le premier pays à dépasser le seuil de 30% de représentativité des femmes au Parlement alors que la moyenne mondiale est d'un peu plus de 19%. Longtemps cantonnées à la reproduction et réduite aux ingrates tâches domestiques, les femmes accèdent progressivement à l'éducation et donc à l'autonomie. Une marche vers l'émancipation marquée par des stagnations et, parfois, des régressions. C'est ce qui expliquerait ces agressions, ces insultes et ses indélicatesses dont sont la cible les femmes. Derniers soubresauts du mâle? Soit, mais les conquêtes demeurent inachevées et fragiles. Des bastilles restent encore à prendre par la femme algérienne.