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La friperie au secours du pauvre
À LA VEILLE DE L'AID
Publié dans L'Expression le 31 - 10 - 2005

Lessivé par la rentrée scolaire et saigné par le mois sacré, le père de famille va devoir fournir encore des efforts pour faire face à l'Aïd.
Le niveau de vie des Algériens est-il aussi bas pour que les citoyens et citoyennes n'aient d'yeux que pour la friperie?
C'est le constat que nous avons pu établir après une série de sorties sur le terrain. Hommes, femmes, enfants, jeunes et moins jeunes continuent de se fournir en habits dans les marchés de la friperie et les innombrables boutiques qui poussent comme des champignons dans les quatre coins de la wilaya. On en a vu même dans les villages les plus reculés. En ce moment ils ne désemplissent pas.
La journée de mercredi était agréable à Béjaïa. Le soleil brillait de toute sa splendeur bien que nous soyons déjà en plein automne. Des circonstances qui ne sont pas pour déplaire aux citoyennes et citoyens qui sont, ce jour-là, tous dehors. C'est normal, on est à une semaine de l'Aïd. Notre première halte se fait au marché hebdomadaire de Sidi Aïch. Au petit matin, il est déjà plein à craquer. Incontestablement, ce sont les étals de la friperie qui font le plein. Présents durant toute la semaine, cela ne suffit point! Un coin qui vaut le détour si l'on considère les bonnes affaires que l'on peut y faire. La localité de Sid Aïch, qui se situe à 45 km du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa dans la vallée de la Soummam, est justement connue pour son marché hebdomadaire. Ce souk en est un au sens propre du terme. C'est le marché qui se tient chaque mercredi et qui reste des plus prisés dans la région. Ici on propose à la vente tout ce qu'il est possible d'imaginer. On y vient de toutes les régions environnantes qui pour vendre qui pour faire ses emplettes. Que l'on soit pauvre ou moins pauvre on vit à Sidi Aïch.
Il faut se lever de bonne heure
Tôt le matin, les bus venant d'Akbou, Adekar, Akfadou Timezrit et d'autes wilayas déversent des centaines de personnes, essentiellement des hommes, venus, pensent-ils, réaliser une bonne affaire. La bonne affaire de la semaine! Et pour ce faire, il faut se lever tôt, car au niveau de ce marché, celles-ci disparaissent vite. Ici l'avenir n'appartient vraiment pas à ceux qui se lèvent tard. Il faut dire aussi que les prix proposés donnent l'impression d'être tombés sur l'occasion à ne pas rater. Les clients peuvent ainsi trouver leur bonheur auprès des vendeurs qui, dès les premières heures de la journée, envahissent cette grande cité qui a fini par s'habituer à la chose. C'est pourquoi, il faut parfois y passer la nuit pour pouvoir dénicher un emplacement adéquat sinon c'est sur le trottoir, transformé de fait en lieu commercial, que vous prendrez place pour liquider votre marchandise. A Sidi Aïch c'est l'anarchie totale chaque mercredi! Encore plus pendant le Ramadan. Les policiers brillent par leur absence, y compris les autres jours. Les carrefours de la ville sont livrés à eux- mêmes. Les automobilistes se voyaient bloqués au niveau de toutes les intersections de l'avenue du 1er-Novembre. Les vendeurs ambulants profitent alors pour revenir à la charge à la faveur de cette absence pour vous proposer tout ce qui peut être vendu. L'arnaque n'est pas loin aussi. Même le client vigilant n'est pas à l'abri. Et sur les étals tout y est, l'électroménager, les cosmétiques, la lingerie, les vêtements, la vaisselle, les articles de bureau, la confiserie, les jouets, la lustrerie ou encore les tissus et la quincaillerie, le tout séparé parfois par des marchands de fruits ou de poissons. Mais qu'à cela ne tienne, on tentera tout de même de tout vendre avant l'heure du départ, qui en ce mois sacré, est prolongé de quelques heures. On trouvera toujours un naïf à qui on refilera les deux derniers kilos presque avariés, de sardines ou d'une autre variété, au prix d'un.
Mais plus que tout, cette marée humaine qui déferle hebdomadairement, est attirée par le marché de la friperie. Tous viennent à Sidi Aïch pour tout simplement s'habiller ou habiller un des leurs. En fait il y a lieu de faire la distinction entre deux catégories de clients. Il y a ceux qui reflètent comme un miroir le niveau de paupérisation atteint par de nombreux Algériens et qui viennent dans ce marché pour pouvoir vêtir leur progéniture. Cet homme s'acharnait à chercher dans un tas posé à même le sol, des shorts pour enfants. Des shorts vendus entre 10 et 30 DA mais dont, en d'autres temps peut-être, il n'aurait même pas voulu pour en faire un chiffon! Et des hommes comme lui, sont légion. «La friperie nous permet pour le moment de cacher notre misère quotidienne”, avoue-t-il. Mais il y a ceux qui y viennent à la recherche de la bonne occasion, celle qui fera pâlir d'envie les collègues et amis. Et pour cause ! on peut tomber, et c'est le mot, parce qu'il faut savoir retourner le tas qui est exposé sur un étal de fortune, sur une chaussure italienne ou espagnole neuve pour à peine 600 DA. Parfois, c'est carrément une paire signée d'une grande marque qui est dénichée.
Les mêmes chaussures sont vendues six fois, voire dix fois plus cher dans le magasin d'un centre commercial. Mais la chaussure n'est pas la seule affaire recherchée. Les sacs en cuir sont également très prisés par les femmes. Certains affirment être de véritables clients de tel ou tel autre marchand. Il est vrai qu'une veste ou un pantalon pur lin sont des articles, qui portés, font «très chic». Les vendeurs eux ne se sont pas trompés en affirmant à la criée que ce sont là des «soldes» et non pas du «chiffoune». En effet, certains, se sont carrément spécialisés dans une gamme de vêtements. Et ce, même si tous les créneaux sont porteurs, pour peu que l'on tombe sur une balle de qualité. La plus-value est alors assurée. Dans le cas contraire, c'est presque la faillite. Les commerçants qui viennent exposer leurs articles à partir du lundi, affirment que la friperie est une véritable opération de loterie. En effet, l'acheteur prend possession d'une balle cachetée sans aucun autre détail sur le contenu, si ce n'est que c'est du linge de maison, de la chaussure, des vêtements pour enfants, pour femmes ou pour hommes ou encore de la lingerie fine. Pour ceux qui sont vernis, le contenu peut s'avérer d'une excellente qualité. Ce qui permettra de l'écouler au bout de quelques heures réalisant ainsi une bonne affaire financière. Selon un commerçant qui, ce lundi 16 mai, proposait aux passants deux tas, l'un composé de lingerie fine et l'autre de tee-shirts, on peut parfois engranger de gros bénéfices. Ce qui explique l'enrichissement de certains qui, à leur tour, sont devenus demi-grossistes. Mais la chance varie d'un souk à un autre. Pour cette fois, disait notre interlocuteur, la chance n'était pas au rendez-vous puisque les articles contenus dans la balle décachetée se sont avérés être de qualité à peine moyenne. Un peu usagés, ce qui l'obligera à les céder à un prix qui ne lui permettra pas de récupérer son investissement. La balle, d'un poids de 30 à 35 kilogrammes est cédée par les grossistes à 12.000, voire 13.000 DA. Un prix qui permet à nombre de jeunes de tenter une incursion dans ce marché, qui est loin d'être fermé.
Floraison d'étals
Pour preuve, un autre commerçant nous a même proposé de lui racheter une balle sur place! C'est dire que tout un chacun peut, pour peu qu'il dispose de quelques économies, s'improviser en vendeur de vêtements de friperie. C'est ce qui explique la floraison d'étals. Mais tous ne sont pas des marchands occasionnels. Certains ont des boutiques de friperie. A Béjaïa-ville ou dans d'autres centres urbains et villages éloignés, il en existe des centaines. Finis les temps où l'on se rend dans ces endroits en cachette. De nos jours et principalement en ville, on y va avec fierté presque. «Les bonnes affaires existent franchement», explique cette dame qui sort d'un magasin de friperie avec, à la main, un sac bien plein qu'elle ouvre avec fierté. Des tee-shirts, des pulls et des pantalons, de quoi satisfaire sa progéniture à moindre frais. «Jadis ces habits déjà utilisés sont rejetés par les enfants, mais avec le temps et le pouvoir d'achat qui ne cesse de s'effriter, ils ont fini par comprendre», explique un père de famille rencontré dans une autre boutique. Incontestablement, ce sont les objets de marque qui ont fait la réputation de ce type de commerce. Une jeune fille nous exhibe allégrement un jean « made in » et une paire de chaussures italiennes presque neuves. «C'est ça l'astuce dans ces magasins», tonne-t-elle. Un patron de magasin de friperie avoue travailler sur commande. «Certaines clientes nous demandent de leur réserver certains articles qu'elles jugent introuvables à ce prix à l'état neuf», affirme-t-il.
D'autres citoyens viennent dans ces marchés et boutiques pour s'approvisionner en famille. Une pratique devenue courante car, tous n'ont pas les moyens de s'approvisionner directement en vêtements neufs.
Les femmes constituent manifestement le gros de la clientèle des magasins de friperie. Elles se bousculaient et pourtant les prix qu'il affichait, étaient, affirmait-il, non négociables. Mais les femmes savent être persuasives, d'autant que de leur point de vue, c'était cher. 200 DA pour une grande nappe et 100 DA pour une petite, 350 DA pour un drap-housse deux places. Pourtant, pour le vendeur, ces prix lui permettent à peine de récupérer sa mise. Se voulant plus convaincant, il ajoutera que le déplacement hebdomadaire au marché de gros lui occasionne, outre les risques sécuritaires, des frais supplémentaires. Mais, cette démarche n'est pas sans dividendes. Cela lui permet d'acheter en première main. C'est dire que le marché de la friperie a de beaux jours devant lui. Mais peut-il en être autrement lorsque les pouvoirs publics s'avèrent incapables d'endiguer la paupérisation de la société? La fripe commence, habille l'Aïd des enfants du pauvre et offre la bonne affaire aux plus malins..


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