Que reste-t-il au président de l'APN? Au lieu de travailler à redorer le blason de leur parti, les députés du FLN le conduisent, non pas au musée, comme le leur demandent les Algériens, mais à l'abattoir. Les députés du FLN se sont fait remarquer, hier à l'APN, par leur sens «inné» du retournement. Ils ont, à l'unisson, boycotté une activité commémorative des massacres du 8 mai 1945 et en ont profité pour demander la tête du président de l'Assemblée qu'ils avaient eux-mêmes «intronisé», il y a moins d'une année seulement. L'opération de «guérilla politique», visiblement bien préparée, car exécutée avec «l'art et la manière», traduit clairement un repositionnement du parti. Il est entendu que le député et nouveau secrétaire général du FLN, Mohamed Djemaï, a imprimé une nouvelle orientation «stratégique» à la formation qu'il dirige depuis quelques jours. Ce n'est pas la première fois que le vieux parti change le «fusil d'épaule». Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire post-indépendance du FLN, on retrouve des «traces» de luttes intestines, qui viennent donner du sens à de «féroces batailles» au sein du sérail. Et lorsque le FLN finit par se doter d'une direction stable, élue par les cadres du parti, c'est le signe d'un redéploiement futur, à tous les niveaux du parti et surtout dans certaines institutions de la République. Sauf que la situation n'est plus la même après l'irruption sur la scène nationale d'un nouvel acteur politique qui n'est autre que le peuple. Celui-ci a fait démissionner un président de la République et président du FLN. Le message est on ne peut plus clair, en principe. Mais cette nouvelle donne semble encore échapper aux cadres du vieux parti. Il faut bien se rendre à l'évidence que si le mouvement populaire a libéré les magistrats, le vent de la «liberté» n'est pas parvenu jusqu'au travers de l'APN, à voir ces «gestes de marionnettes», qui caractérisent les élus FLN de cette mandature. Il est évident que l'absence d'un réel débat, ces dernières années au sein de cette formation, a fini par tuer le politique et promu le serviteur zélé en chaque député. Le groupe parlementaire du vieux parti a signifié à l'opinion nationale son incapacité à jouer un rôle dans la phase délicate que traverse le pays. Ils ont fait plus qu'obéir «bêtement» à l'ordre direct, ils ont assassiné leur propre parti. Et pour cause, les observateurs qui connaissent parfaitement le mode de fonctionnement du FLN en viennent à s'interroger sur ses chances de survie. En effet, l'épisode d'hier montre un parti au bord de «l'effondrement». Comment les élus peuvent-ils expliquer à leur base et, au-delà, à l'opinion nationale, donc aux futurs électeurs, ces évolutions brutales et contradictoires. Il faut bien se rendre à l'évidence que la sortie des députés n'a rien de logique. Elle est inexplicable politiquement et elle l'est encore moins moralement. Comment des hommes et des femmes adultes, censés représenter des centaines de milliers de citoyens, puissent se conduire avec une pareille légèreté, au risque de perdre le peu de crédit qui leur reste auprès des Algériens. Il est entendu que les élus du vieux parti n'ont pas agi en leur âme et conscience, mais au bénéfice de Dieu sait quelle volonté, dont on peut deviner l'origine, mais sans en connaître franchement l'objectif recherché. Et pour cause, il est admis que l'APN est en sursis de dissolution, après la démission de l'ancien président de la République. De fait, la bataille du perchoir n'a pas de sens et les députés auraient pu économiser à leur parti un autre spectacle affligeant. Mais il semble que les responsables du FLN n'aient cure de l'image qu'ils font donner à leur famille politique. On voit très mal ce genre de comportements peser sur une scène nationale assainie. En effet, la promesse d'une nouvelle République passe par des pratiques en rupture totale avec les agissements des députés FLN qui conduisent leur parti, non pas au musée comme le leur demandent les Algériens, mais à l'abattoir. Au lieu de travailler à redorer le blason de leur parti, les députés du FLN perpétuent la logique des luttes intestines et semblent totalement ignorer que, pour cette fois, ils le font au vu et su d'une société qui ne veut plus se laisser faire. En agissant de la sorte, les cadres du vieux parti hypothèquent toute chance de renouer avec les électeurs.