L'Expression: Les dates de la rentrée scolaire sont connues, quelles sont vos impressions sur cette décision de la reprise des cours et sur le choix de ces dates ? Ahmed Tessa: Sûrement que ces dates répondent aussi bien aux souhaits des parents, mais surtout aux recommandations des scientifiques qui surveillent la situation sanitaire du pays. Le retard est grand à rattraper tant sur le plan psychologique que sur le plan pédagogique. Là est le défi premier. Comment doit-elle se faire, pratiquement, cette rentrée scolaire particulière? Il y a lieu de ne pas faire l'erreur de foncer droit sur l'envie de rattraper le retard pris. Mais au contraire, de consacrer les 10 premiers jours à la remise à niveau psychologique: dédramatiser ce retard, (re)mettre en confiance les élèves, instaurer un climat convivial en classe. Parallèlement, opérer une révision ciblée des leçons des deux trimestres déjà bouclés. Après ces 10 jours de double remise à niveau (psychologique et pédagogique), on pourra passer au rattrapage des leçons essentielles du 3° trimestre. En votre qualité de pédagogue comment replonger l'élève, à la limite du décrochage scolaire, dans l'ambiance scolaire? Tout faire pour redonner confiance aux élèves et, notamment les plus fragilisés d'entre eux. Les enseignants sont appelés à coordonner leurs travaux: élaborer de concert les leçons essentielles à dispenser, avec l'appui de leur inspecteur. Donner l'occasion aux enfants de pratiquer des activités de groupe: artistiques, sportives, récréatives. Cela pour renforcer la cohésion du groupe de classe. Eviter le bachotage et le parcoeurisme, mais solliciter l'intelligence de l'élève dans l'assimilation/compréhension des leçons et lors des séances d'évaluation. L'année scolaire s'annonce condensée, comment doit-elle se dérouler sur le plan pédagogique? «À quelque chose malheur est bon.» Cette crise sanitaire et cette ‘'diéte'' pédagogique doivent nous inviter à repenser le fonctionnement de notre système scolaire. On peut et on doit aller vers une année scolaire d'au moins 34 à 36 semaines de cours - la norme internationale étant de 38 à 40 semaines. Nous savons tous que notre année scolaire varie - bon an, mal an - entre 24 et 26 semaines de cours réels. Un lourd déficit! Il y a lieu de réaménager les horaires de la semaine, de dégraisser et les programmes obèses et les nombreux jours de vacances (et jours fériés). Mais c'est surtout la refonte des examens et compositions qui sera prioritaire. Il nous faut savoir que les programmes, les méthodes et les pratiques des enseignants dépendent et sont élaborés en fonction de ce système d'évaluation obsolète et archaïque: le revoir est une urgence. Il y aura des sacrifices à faire pour tous les acteurs du système scolaire: enseignants, parents et élèves. Faisons en sorte que ces derniers n'en souffrent pas trop. Nos enseignants sont prêts à jouer le rôle de soldats de la lutte/prévention contre l'ignorance, laquelle guette nos enfants. En conclusion, je propose la mise en place - dès aujourd'hui - d'un collège d'experts qui se penchera sur une réflexion de fond autour de la Refondation de l'école algérienne. L'occasion, nous est donnée par cette situation inédite. Il y a des retraités aguerris et des universitaires travaillant sur les questions scolaires qui pourront assister l'Etat algérien dans ce travail de réflexion.