La journée d'hommage à Diego Maradona jusqu'à sa mise en terre jeudi a été à la hauteur des sentiments exacerbés suscités par l'icône du football argentin: outrancière et remplie de passion, avec des milliers de fans éplorés désireux d'adresser leur dernier adieu. Une longue file de milliers de supporters a commencé à serpenter dès l'aube autour de l'historique place de Mai dans l'espoir d'entrer dans la «Casa Rosada», le siège de la Présidence argentine où était organisée une chapelle ardente. Un énorme ruban noir ornait l'entrée du bâtiment de pierre rose, dont les drapeaux étaient en berne en signe de deuil national décrété pour trois jours. Mais tous n'ont pas pu s'incliner devant le cercueil fermé contenant la dépouille de la légende du football, recouvert du drapeau argentin et des divers maillots des équipes pour lesquelles Maradona a joué, notamment ceux de la sélection argentine et de Boca Juniors floqués du mythique numéro 10. Plusieurs incidents sont venus ternir ce moment de recueil. Le cercueil a dû, notamment être déplacé, selon une source gouvernementale, des supporters déchaînés ayant envahi la cour de la Présidence. Des échauffourées ont, par ailleurs éclaté à plusieurs reprises dans les rues adjacentes avec la police qui a fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène en échange de projectiles en tout genre. Après ces moments de confusion, le cortège funéraire s'est élancé vers le cimetière Jardin Bella Vista, en périphérie de Buenos Aires, salué tout au long de milliers d'autres personnes sur le bord des routes. Un service religieux dans l'intimité familiale a été donné avant que Maradona ne soit mis en terre dans un caveau familial aux côtés de ses parents. Poing levé ou la main sur le coeur, de nombreux fans ont cependant pu se succéder devant la dépouille de leur idole, décédée mercredi à 60 ans d'un arrêt cardiaque. Membres de la famille et joueurs en activité ou retraités, notamment des coéquipiers du capitaine argentin au Mondial-1986, s'étaient rendus dans l'intimité à la chapelle ardente avant son ouverture au public à 6h00 locales (9h00 GMT). Dans le quartier de Boca à Buenos Aires, mais aussi en Europe à Naples et Barcelone, hauts lieux de la carrière du «Pibe de Oro» («gamin en or»), l'émotion s'est emparée des anonymes et des grands noms du ballon rond, de Pelé à Lionel Messi, quelques heures après l'annonce du décès mercredi à 15h00 GMT. En Argentine, où la passion du ballon rond est dévorante, l'émotion est immense. Des milliers d'admirateurs se sont rassemblés dans la nuit auprès des stades des clubs où Maradona a officié: à Buenos Aires (Argentinos Juniors et Boca Juniors) et Rosario (Newell's Old Boys), ainsi qu'à La Plata, où il entraînait la formation de Gimnasia jusqu'à son décès. Si la planète savait sa santé fragile, l'annonce du décès de Diego Maradona a entraîné un déluge de tristesse dans le monde du ballon rond, où seul le Brésilien Pelé (80 ans) rivalise dans le classement informel des plus grands de l'histoire. Des chefs d'Etat de nombreux pays ont également adressé des messages de condoléances, preuve que Maradona a partout marqué les esprits, par ses exploits et ses excès, oscillant entre grandeur et flamboyance d'une part, déchéance, drogue et polémiques, d'autre part. La vie de Maradona, né le 30 octobre 1960, a été rythmée par de nombreux problèmes de santé liés aux excès en tous genres qui l'ont parfois fait flirter avec la mort. Il était apparu très diminué lors de sa dernière apparition publique le jour de ses 60 ans, et son avocat Matias Morla avait révélé qu'il traversait une période de dépression. L'émotion de Zidane Comme d'autres grands noms du football, Zinédine Zidane a fait part de son émotion après l'annonce de la mort de Diego Maradona. «C'est une perte énorme pour le monde en général, et pour le monde du football. J'ai gravé dans ma tête son Mondial 1986. Cela nous touche profondément, nous sommes désolés, surtout pour sa famille. Je n'ai pas de mots. Nous sommes très tristes de cette nouvelle», a déploré l'entraîneur du Real Madrid après le succès contre l'Inter Milan (2-0) en Ligue des Champions. Le vibrant hommage de Bielsa Marcelo Bielsa a vécu un sacré ascenseur émotionnel mercredi. Quelques heures après avoir appris qu'il a l'honneur d'avoir été sélectionné par la FIFA parmi les cinq nommés pour le titre d'entraîneur de l'année (voir ici), l'Argentin a en effet été informé du décès de son compatriote Diego Maradona. Cette disparition a beaucoup affecté El Loco. Réputé pour ne laisser transparaître aucun sentiment, le technicien n'a pu cacher son émotion sur ce coup. «Il restera le meilleur à jamais. Il était et restera une idole pour tous les Argentins. Qu'il ne soit plus là me procure une immense peine. La disparition d'une idole est un sentiment de fragilité pour nous tous», a confié le coach de Leeds. Simeone n'y croyait pas Comme beaucoup d'Argentins, et plus généralement d'amoureux du foot, Diego Simeone s'est montré très affecté par la mort de Diego Maradona mercredi suite à une crise cardiaque. Au bord des larmes, l'entraîneur de l'Atletico Madrid a exprimé sa tristesse à l'issue du match face au Lokomotiv Moscou (0-0) en Ligue des Champions. «On m'a dit: ‘Diego est parti'. Je me suis dit: ‘Non, Diego ne peut pas s'en aller'. Il continuera sûrement à parcourir les terrains de football car il était tout simplement le meilleur», a encensé El Cholo. Touchant! Bennaceur, l'arbitre qui n'a pas vu «la main de Dieu» L'arbitre tunisien Ali Bennaceur se souvient de chaque geste du «génie» Diego Maradona durant le quart de finale de la Coupe du monde 1986, quand l'Argentin marqua deux buts restés dans l'histoire face à l'Angleterre (2-1), l'un de la main, et l'autre un «chef-d'oeuvre». «Je n'ai pas vu la main, mais j'ai eu un doute», se souvient Ali Bennaceur, qui fut le premier Tunisien à arbitrer un match à ce niveau du Mondial. «Vous pouvez voir les images, j'ai reculé pour prendre l'avis de mon assistant, le Bulgare Dotchev, et quand il a confirmé que c'était bon, j'ai accordé le but», raconte-t-il. Trente-quatre ans plus tard il tient à «remercier les joueurs d'Angleterre qui sont vraiment fair-play». La plus grande «fierté» de Bennaceur reste d'avoir accompagné l'incroyable course de Maradona sur le second but où il mystifia l'arrière-garde anglaise. «À chaque fois il s'est relevé, j'étais derrière lui», se souvient le Tunisien de 76 ans, qui arbitra au plus haut niveau jusqu'en 1991. «Je m'étais préparé à siffler un penalty en cas d'action dangereuse sur Maradona, je pensais qu'après 50 mètres d'efforts ils allaient l'abattre, mais la balle a atterri dans les filets de Shilton» devant un stade en liesse. Le dernier hommage des Napolitains Tous les joueurs de Naples sont entrés avec un maillot floqué du n°10 et du nom de Diego Maradona jeudi, au lendemain de la mort de l'ex-star du club, pour leur match de Ligue Europa contre Rijeka, qui a été précédé par un hommage de leur capitaine Lorenzo Insigne devant les grilles du stade. Portant un brassard noir, ils ont tous gardé le maillot emblématique pendant la présentation des équipes et la minute de silence, sous l'oeil du grand absent dont le portrait était projeté sur l'écran géant. Pendant toute la journée, les supporteurs se sont pressés devant le stade San Paolo, qui pourrait très rapidement être rebaptisé du nom de Maradona, comme l'a proposé le maire de la ville dès mercredi. Et partout des écharpes bleu-blanc, des fleurs, des portraits de la star et des maillots frappés du N.10 ont été attachés, formant un véritable mur du souvenir à la mémoire du joueur dont le passage pendant sept saisons (1984-1991) a laissé une trace indélébile chez les Napolitains, par ses succès comme ses sorties de route. Une heure avant le coup d'envoi, ils étaient encore plusieurs centaines à chanter devant le stade. D'autres Napolitains, plus nombreux encore, se sont rassemblés dans le centre, piazza del Plebiscito.