Il y a 68 ans se tenait la conférence de Bandung (Indonésie) qui a marqué la première présence diplomatique de l'Algérie en lutte pour son indépendance. La conférence a eu lieu le 18 avril 1955. Soit cinq mois seulement après le déclenchement de la guerre de Libération nationale contre l'occupation française. La délégation algérienne a été emmenée par les défunts Hocine Ait Ahmed et M'hamed Yazid. La présence de la délégation du FLN à cette rencontre a constitué incontestablement le premier jalon à l'inscription de la question algérienne à l'ordre du jour de la session ordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU, le 30 septembre 1955. C'est dire qu'en prenant part à cette conférence qui a réuni pendant une semaine plus de 500 délégués de pays d'Afrique et d'Asie, l'Algérie venait de signer son premier acte diplomatique sur le chemin de l'internationalisation de la cause algérienne. L'évènement a conféré à la diplomatie algérienne toute son importance dans l'accompagnement de la lutte armée. Le combat ainsi mené sur plusieurs fronts a fini par aboutir, au prix de nombreux sacrifices pendant 7 ans de guerre, à la libération du pays du joug colonial. De ses crimes et sauvageries. 68 ans plus tard, l'évènement demeure toujours comme ce moment central dans la lutte de l'Algérie pour son indépendance. C'était aussi un moment de grande portée historique dans les enjeux géopolitiques de l'époque et des luttes de leadership que se disputaient les blocs de l'Est et de l'Ouest. Léopold Sédar Senghor, l'écrivain et poète sénégalais, considérait à juste titre que Bandung a été une «gigantesque levée d'écrou». Bandung 1955 a ainsi jeté les premiers jalons du Mouvement du non-alignement (MNA) dont la naissance a été acté à Belgrade en 1961. Et si les pays partisans du non-alignement ont perdu de leurs repères, notamment depuis les années 90 suite à la dislocation de l'Union soviétique et la fin de la bi-polarité et l'hégémonie des USA, la donne tend à changer considérablement. Un nouvel ordre mondial est en train de se construire actuellement avec une redistribution des cartes sur l'échiquier mondial. Avec l'avènement du groupe des Brics, de nouveaux paradigmes structurent désormais les rapports de force à l'échelle mondiale. Créé pour des objectifs économiques, le groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) n'a pas tardé à se donner un rôle essentiel dans les enjeux géopolitiques. À bien y regarder, ce bloc est le prolongement de l'esprit de Bandung. Autrement dit, le groupe des Brics, cette remise en cause de l'hégémonie occidentale, est un retour à l'esprit de Bandung. C'est d'ailleurs cet esprit qui a galvanisé le combat pour les indépendances et la décolonisation. Il a été aussi la voix médiane au temps de la guerre froide que se livraient les USA et l'Union soviétique. Mais la plus belle réalisation du Mouvement des pays non-alignés c'est d'avoir semé le formidable espoir qui a accompagné des peuples entiers mobilisés pour les causes justes et pour un monde économiquement équilibré. Aujourd'hui l'esprit du non-alignement n'est pas uniquement présent au sein des peuples. Mais il plane dans les forums et les institutions et autres tribunes diplomatiques. Comme au temps des luttes armées des pays du Sud. Cet esprit semble ainsi être boosté par la montée fulgurante des puissances économiques dont les référents sont diamétralement opposés à ceux des pays de l'Occident. Pour les pays des Brics, il s'agit d'affirmer la place importante qu'ils comptent s'accorder sur la scène internationale en s'articulant sur leur poids économique surtout, mais avec un fond politique. Des ambitions clairement opposées aux visées des USA et de l'Union européenne. Indicateur d'une grande ambition économique, le groupe des Brics s'est doté depuis 2014 d'une banque de développement, la Nouvelle banque de développement, basée à Shanghai. Des observateurs des rapports de force estiment que les Brics sont l'une des instances ciblant une reconnaissance de la multipolarité des équilibres économiques et politiques mondiaux foncièrement en rupture avec les organisations héritées de l'après-Seconde Guerre mondiale. Des objectifs qui ne rappellent pas moins ceux défendus par le MNA et exprimés dans un contexte mondial différent. Comme si les Brics remettent sur la table la revendication l'objectif porté par les non-alignés, à savoir l'instauration d'un nouvel ordre économique mondial sur fond d'un développement équilibré pour tous les peuples. Au final, si Bandung date de plus d'un demi-siècle, son esprit demeure vivace.
