C'est la remise en cause des règles qui ont permis à Hadjar et compagnie de survivre à tous les changements qui est à l'origine de la fronde contre Benflis. Ce n'est pas la première fois que le FLN est en proie à des remous internes, opposant coteries et clans d'intérêts. C'est même une “constante” dans ce parti qui demeure une rampe sûre pour qui veut atteindre les cimes enivrantes du pouvoir et ses “délices de Capoue”, sauf que cette fois-ci, l'affrontement n'est pas contenu dans les structures internes du parti, à cause précisément de sa nature, laquelle va bien au-delà d'une lutte sur fond de calculs d'apothicaire. Les commentaires autour de ce qui se passe actuellement au sein de l'ancien parti unique pèchent par une certaine étroitesse, en s'arrêtant juste à l'enjeu de la présidentielle 2004. Il est vrai que Abdelkader Hadjar et sa clique se battent avec l'énergie du désespoir pour garder l'appareil du parti dans le giron du pouvoir et le transformer, le moment voulu, en machine électorale pour les besoins de Abdelaziz Bouteflika. Au mépris de l'éthique, voire de la pudeur tout court, l'ambassadeur de l'Algérie à Téhéran se fait fort de clamer qu'il est en “mission spéciale” pour le compte du Président, oubliant que ce dernier, adepte de Machiavel, l'avait traîné dans la mouscaille. Un affront qui avait failli d'ailleurs le conduire de vie à trépas. Le dernier congrès y est, bien évidemment, pour quelque chose aussi dans cette cabale contre Ali Benflis, les caciques habitués à se retrouver dans les premières loges sans coup férir, par la magie de la cooptation, n'ont pas digéré leur éviction. En vérité, le “crime” de Ali Benflis tient au fait qu'il a remis en cause l'ordre établi dans la maison FLN depuis des lustres. Porter le coup de grâce au sacro-saint principe de la cooptation, qui a justement permis jusque-là aux éléphants du parti de survivre au renouvellement des générations, n'est pas une moindre des révolutions dans une formation rétive aux changements, quand ils émanent de la base. Comme c'est le cas lors du huitième congrès. Plus que la remise en cause de la cooptation, ceux qui ruent actuellement dans les brancards, et c'est normal dans un sens, puisqu'il y va de leur survie, ont du mal à voir le FLN opérer sa mue en faisant siennes des questions d'essence démocratique, comme la modernité, les droits de l'Homme, la reconnaissance de l'amazighité. “Depuis quand le FLN défend l'amazighité ?”, s'est interrogé, toute honte bue, Hadjar devant notre journaliste parti à sa rencontre. Le principe du rajeunissement du parti annoncé et mis en pratique par Ali Benflis, à l'occasion des élections législatives et locales, n'est pas fait pour plaire non plus aux barons qui font assaut de toutes arguties pour justifier, aujourd'hui, leur action qui est un défi contre l'état de droit. En vérité, c'est cette “rupture épistémologique” opérée par le patron actuel du FLN qui est à l'origine de la fronde dont il est l'objet. Pour Abdelkader Hadjar, le patron actuel du FLN, qui ne cadre pas avec le profil de ses prédécesseurs, est indigne de prendre les rênes de cette formation qu'il veut, lui et ses amis, condamner à être un instrument de prise de pouvoir coulé dans le moule du conservatisme et de la gérontocratie. C'est, d'une certaine façon, un œdipe à l'envers où c'est le père qui cherche à tuer le fils. N. S.