Le complexe du mode et de la pensée citadine a imposé des regards réducteurs et subjectifs sur l'environnement immédiat de l'homme. Tout ce qui est situé en dehors des limites citadinisées et réglementées est décrié comme étant des espaces sauvages. La forêt, pour ne citer qu'elle, est ainsi présentée comme une étendue “sauvage”, tant que l'œuvre de l'homme ne l'a pas soumise par ses transformations et adaptée à ses uniques besoins souvent chargés d'hypocrisie. La forêt n'est pourtant pas sauvage au sens de quelque chose qui doit être domptée ou domestiquée. Elle est un milieu fécond qui donne la vie et qui fait vivre. Elle est l'état naturel où l'homme se réconcilie avec lui-même. N'a-t-on jamais vu quelqu'un ou soi-même ramasser tel quel un morceau de bois qui présente des formes singulières et avec lequel on s'empresse de décorer un coin du chez-soi ? Instinctivement et sans se rendre compte, c'est un peu de cette “sauvagerie” qu'on fait rentrer à la maison. En vérité, l'objet ramassé est plus que désiré. Il exprime l'aspiration occulte de l'homme à se rapprocher de son milieu naturel. Ce sont au contraire nos villes qui deviennent “sauvages”, inhumaines, et qu'il y a lieu de dompter. Nos cités sont devenues difformes, salles, agressives, discontinues, inhumaines et transformées en de gigantesques poubelles, en des lieux de perdition des valeurs sociales et culturelles qui ont pourtant de tout temps réglé et régulé le sens de la vie. L'urbanisation aveugle, irresponsable, irréfléchie, non organisée et inadaptée bouscule à grands pas l'homme et le pousse un peu plus dans une sauvagerie, la vraie, qui provoque de nos jours une inquiétante déréglementation de la vie similaire à l'aventure écervelée et imprudente du monde de la manipulation génétique. C'est ce que l'on peut appeler la plate suffisante qui malheureusement conduit à tout refaire, à tout recommencer à tout repenser, s'il n'est pas déjà trop tard. Alors, nous devons rapidement méditer cette citation de Kurt Vonnegut qui disait : “Nous sommes ce que nous faisons semblant d'être ; aussi devons-nous faire attention à ce que nous faisons semblant d'être.” A. A.