Les infrastructures portuaires algériennes sont restées sous-dimensionnées, obsolètes et inefficaces, alors que, paradoxalement, des avancées remarquables ont été réalisées dans la plupart des autres infrastructures et services de base (barrages, transferts d'eau, gazoducs, autoroutes et mêmes voies ferrées). On s'en explique d'autant moins que 95% du commerce extérieur du pays emprunte la voie maritime et que les importations explosent. Les lamentations, récurrentes depuis au moins trois décennies sur la facture toujours à la hausse des surestaries, n'y ont rien fait. Certaines sources avancent le chiffre de 170 millions de dollars par an de surestaries payés en pure perte. La quasi-disparition du pavillon national complète cet inquiétant tableau. J'avais déjà évoqué en mai 2012 dans ces mêmes colonnes cette problématique ("inefficacité de la fonction portuaire : un paradoxe structurel ?"). Depuis, hélas, peu d'améliorations sont perceptibles. Quelques chiffres et quelques comparaisons le prouvent. Le coût moyen import/export d'un conteneur entre Marseille et Alger (1300 euros) est parmi les plus élevés dans les pays émergents. Sur une échelle de 1 (extrêmement sous-développé) à 7 (bien développé et efficace), le Forum économique mondial (FEM), cité par la Banque mondiale, donne la note de 2,7 à l'Algérie pour 2012, en régression par rapport à 2008 (3,1). Nous ne dépassons que des pays comme le Costa Rica (2,4) et Haïti (1,9). Des pays comme la Libye (3,5), le Nigeria (3,6), l'Albanie (3,7), l'Afrique du Sud (4,7) et le Maroc (4,8) sont devant nous. L'article publié en 2012 par Fatma-Zohra Mohamed-Chérif et César Ducret dans la revue française en ligne de géographie politique "l'espacepolitique", sous le titre "Du global au local : les nouveaux géants des terminaux portuaires algériens", tente de donner quelques éléments explicatifs intéressants en termes institutionnels et managériaux. Mais j'estime, pour ma part, que cette démarche est incomplète pour contribuer à résoudre durablement une contrainte logistique devenue un des verrous de la croissance en Algérie. Pour une fois, en dépit des apparences, ce n'est pas tant l'inertie institutionnelle et les insuffisances managériales qui constituent le premier obstacle à l'amélioration de la performance logistique portuaire. Le problème est en amont. Depuis l'indépendance, les seuls investissements significatifs nouveaux en matière d'infrastructures portuaires n'ont concerné que la réalisation de ports spécialisés : Béthioua et Skikda pour les hydrocarbures et Djen Djen en tant que port minéralier à l'origine. Pour le reste, rien n'a été fait, alors que le trafic augmente de façon exponentielle : en matière de conteneurs, en 2001, le port d'Alger a reçu 240 327 EVP (équivalent vingt pieds), alors qu'il a accueilli 643 409 EVP en 2010, soit 2,5 fois plus sur le même espace d'exploitation. Cette augmentation de l'activité du port d'Alger s'accompagne, en revanche, d'une baisse de l'indice de performance logistique et de l'augmentation des coûts de transaction. Cela est dû essentiellement à des raisons de hardware (faibles tirants d'eau et longueurs de quais ne permettant pas l'accostage de grands transporteurs, sous-équipements des terminaux, etc.). A la marge, on peut y ajouter des raisons de software. Cela peut expliquer pourquoi, pour un même cadre institutionnel et managérial, le singapourien Portek arrive à traiter à Béjaïa 20 à 25 conteneurs par heure, alors que l'émirati Dubai Ports World n'en est toujours qu'à 10 au port d'Alger. Ceci dit, dans les années 1970, il y avait un projet de port en eau profonde dans les Issers. Mais ce projet, couplé à la réalisation d'un gazoduc centre, était lui aussi destiné essentiellement aux exportations d'hydrocarbures ; accessoirement aux marchandises. Ce projet de port a été vite oublié après la crise pétrolière de 1986 et le programme d'ajustement structurel des années 1990. Je m'étonne cependant qu'il n'ait pas été ressorti des cartons au début de la première décennie 2000, alors qu'il s'agit d'une infrastructure de base prioritaire qu'il fallait absolument lancer. Pour conclure, nonobstant les mises à jour institutionnelles et managériales, ce n'est pas la réalisation d'un seul, mais de trois ports à conteneurs en eau profonde qu'il faut lancer (Centre, Est, Ouest). Sans quoi, notre trafic maritime pourrait être amené à se faire partiellement par le port de Tanger Med (Maroc) et celui d'Enfidha (Tunisie). Certains vous diront même que l'autoroute Est/Ouest facilitera cela. Mais je ne suis pas sûr que cette option cadre avec le potentiel et les ambitions économiques du pays. Le défi est lancé. Nom Adresse email