Dans la chronique de mercredi dernier, nous écrivions ceci : "Ces tout derniers jours, les syndicalistes autonomes, les rappelés du Service national et les lycéens ont fait les frais de cette montée en puissance répressive. À côté du raidissement sécuritaire, un autre signe qui ne trompe pas : le regain d'agressivité envers les journalistes." Hier, autour de la place Audin, au centre d'Alger, le pouvoir a confirmé cette propension à la répression qu'il déploie à chaque fois que des citoyens manifestent leur lassitude du système prédateur et qu'il s'apprête à exécuter l'un de ces coups de force par lesquels il perpétue son emprise sur la société et les institutions. Les manifestants "contre le quatrième mandat" et "contre l'Etat-DRS" se sont donc heurtés à des forces répressives particulièrement "motivées". Tôt, avant les premiers signes de manifestation, les accès à la capitale sont contrôlés, l'identité de simples passants vérifiée, et un dispositif sécuritaire — comme à l'habitude, disproportionné — est mis en place. La prochaine étape verra certainement le retour des baltaguias, foules de jeunes "issus de la société" et "motivés" pour contrer, numériquement et physiquement, les manifestations.Il n'y a, toutefois, rien de surprenant de ce côté-là, le régime n'ayant jamais fait mystère de son aversion pour la contestation et de sa disponibilité quand il s'agit de l'étouffer par la force. Ce qu'il y a, en revanche, de nouveau, c'est une protestation dont on constate qu'elle quitte le terrain des échanges épistolaires entre "personnalités" de l'establishment politico-médiatique, pour être prise en charge par un engagement citoyen. Une protestation qui est en train de quitter le "microcosme algérois", comme dirait l'autre, et de se développer dans l'Algérie profonde. S'il n'y a pas eu foule à la "Fac centrale", la précision des slogans, quant à elle, ne laisse aucun doute sur la clarté de la revendication citoyenne. Elle disqualifie la stratégie victimaire des défenseurs du "quatrième mandat" se plaignant de ce que de méchants aigris veulent priver Bouteflika de son droit citoyen à se porter candidat à la présidence de la République. Elle discrédite aussi les promoteurs de l'alternance maison, parce que ce n'est, en effet, pas une menace de "quatrième mandat" qui pèse sur le pays, mais la persistance d'un système strictement voué aux accaparements et détournements claniques des ressources naturelles. Le salut ne peut venir que d'un mouvement citoyen patriote et désintéressé, le personnel politique et ce qui tient lieu de "société civile" s'étant largement compromis dans les réseaux de partage de la rente. L'espoir ne peut venir que de ce fond de clairvoyance qui, depuis quelque temps, milite à travers les réseaux numériques, pour une réappropriation populaire de la souveraineté nationale. Celle-ci ne peut tout de même pas être indéfiniment vouée à être négociée contre des pots-de-vin ! Il est vrai que, souvent, la répression, couplée à la manipulation, a réussi à étouffer des élans populaires revendicatifs. Mais souvent, aussi, la répression a eu un effet amplificateur sur cette revendication. À trop compter sur la carotte et le bâton, on en oublie que la seule garantie de cette "stabilité", si chère à nos oppresseurs, c'est le développement démocratique. M. H. [email protected] Nom Adresse email