Le projet de l'hôpital de 240 lits de Boumerdès qui accuse 10 ans de retard prend les allures d'un scandale. Après le problème de l'assiette de terrain qui a changé trois fois de position et le désistement en dernière minute de l'entreprise portugaise Abrantina, ce sont cette fois la nature et la qualité des travaux qui sont mis à l'index. Du béton impropre utilisé pour le coulage des semelles en passant par les modifications apportées en dernière minute sont autant d'arguments qui renseignent sur "l'amateurisme" dont font preuve les différents responsables concernés à commencer par les structures du ministère de la Santé. Et ce n'est pas tout, l'entreprise italienne qui a remplacé Abrantina est accusée par le bureau d'études SNC Berag de ne pas avoir respecté ses engagements notamment en matière de renforcement du chantier en moyens humains et matériels. Une situation qui a entraîné l'immobilisation du chantier pendant plusieurs semaines affirment les responsables du bureau d'études. "Retards dans l'avancement des travaux, absence de planning des travaux, faible approvisionnement du chantier, manque de matériel, instabilité du personnel ‘cadre' de l'entreprise, absence d'un responsable de chantier dûment désigné", souligne le bureau d'études dans une lettre adressée le 15 février à la wilaya de Boumerdès. Le constat est plus qu'alarmant avec cette histoire de mauvais coulé au niveau bâtiment H. "À ce jour les règles ne sont pas respectées et afin de réduire les retards, nous demandons la démolition de toutes les semelles du bloc H par n'importe quel moyen", lit-on dans un PV de chantier daté du 2 octobre 2014. L'entreprise italienne réplique et soulève la mésentente entre le bureau d'études et le CTC. La première demande la démolition le deuxième veut poursuivre les travaux. L'entreprise italienne qui se trouve, selon elle, dans une situation difficile au vu des PV contradictoires, décide de s'adresser au directeur des équipements de la wilaya (Dlep). Finalement le bloc H sera démoli pour faible résistance du béton. Après le ciment, c'est le remblai qui fait polémique entre le bureau d'études et l'entreprise. Le premier exige d'utiliser la terre (déblai de site) pour le remblai. Une opération qui fait gagner de l'argent et du temps à l'Etat alors que l'entreprise qui juge cette opération risquée, demande d'utiliser le ballast plus coûteux mais garanti. "Le ballast coûtera de l'argent à l'Etat, en plus c'est une opération de facilité pour l'entreprise car elle ne dispose pas de moyens sur le chantier comme nous l'avons plusieurs fois soulevé et le CTC est du même avis", indique le responsable du bureau d'études. Le bureau d'études reproche également à l'entreprise italienne de faire de la sous-traitance alors qu'elle est interdite. "C'est une manière pour elle de combler son déficit en moyens humains et matériels", dit-il. Mais les remarques du Berag et sa ténacité à faire respecter la réglementation sont mal acceptées par les différents responsables, affirment des ingénieurs. Son gérant qui a suivi des études d'architecture en génie civil à l'université de l'Illinois aux Etats-Unis et qui a à son actif plusieurs réalisations au niveau national, parmi elles l'unité d'urgence de Boumerdès sera malmené quelques jours plus tard par le ministre de la Santé en visite dans la wilaya de Boumerdès. Le ministre fera l'éloge des Italiens tout en critiquant les cadres algériens qui composent ce bureau d'études. "Cela nous a touché en tant qu'Algériens, cet hôpital nous tenait à cœur et c'est lors d'un concours que nous avons gagné ce projet, il ne nous a pas été offert, on ne s'attendait pas à cette humiliation qui touche toutes les compétences nationales", affirme un ingénieur du Berag. Un dossier complet a été adressé au ministre au sujet du projet par le bureau d'études pour tenter d'expliquer les dessous de cette affaire. Mais le bureau d'études sera remplacé quelques jours après soit le 2 juillet par Bertho, un bureau d'études de Haddad classé mieux disant suite à une soumission portant sur la modification des plans de l'hôpital approuvés 4 ans auparavant par une commission nationale. Le directeur du Berag n'a même pas été informé. M. T.