Le doute persistera donc autour de la liberté de mouvement qu'aura cette instance, mais aussi de l'audace qu'auront ses membres à ouvrir les dossiers les plus lourds de la corruption. En application des dispositions de la nouvelle Constitution adoptée en février dernier, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a nommé jeudi les membres de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC), avec pour mission principale, précise-t-on, de "proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption". L'article 202 de la Constitution stipule qu'il est institué un Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, autorité administrative indépendante, placée sous l'autorité du président de la République. Il jouit de l'autonomie administrative et financière. Selon le même article, "l'indépendance de l'organe est notamment garantie par la prestation de serment de ses membres et fonctionnaires, ainsi que par la protection qui leur est assurée contre toute forme de pression ou d'intimidation, de menaces, d'outrages, d'injures ou d'attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de leur mission". À rappeler que l'Algérie a adopté plusieurs textes de loi pour mettre à jour son arsenal législatif et a mis en place des organes consacrés à la prévention et à une lutte efficace contre le fléau de la corruption. Au plan international, l'Algérie est l'un des premiers Etats signataires de la Convention des Nations unies contre la corruption, le 9 décembre 2003, et la ratification est intervenue par un décret présidentiel datant du 19 avril 2004. Dans le cadre du mécanisme d'examen de l'application de cette convention, l'Algérie a fait l'objet en 2013 d'une évaluation par les pairs au titre du premier cycle d'examen qui a porté sur deux chapitres de la Convention des Nations unies contre la corruption, relatifs notamment aux "incriminations, détection et répression" et à "la coopération internationale". Tout cet artifice législatif n'a pas assuré, jusque-là, une réelle efficacité dans la lutte contre la corruption dans notre pays. L'entrée en action de l'ONPLCC avec la désignation de ses membres va-t-elle relancer ce combat alors que la question demeure posée quant à indépendance réelle de cette structure, censée être à l'avant-garde de la lutte contre la corruption, un phénomène qui, de l'avis même du président Bouteflika a atteint, ces dernières années, des proportions qui menacent les fondements même de l'Etat algérien ? Sa mise sous tutelle du chef de l'Etat va-t-elle vraiment la servir ? La question reste en effet posée, sachant que "pression" et "intimidation" évoquées par la Constitution dans les attributions de l'ONPLCC peuvent venir aussi des hautes instances de l'Etat. Et l'expérience a montré comment de gros dossiers de corruption comme ceux de l'autoroute Est-Ouest ou ceux de Sonatrach n'ont pas connu un traitement juste et équitable permettant aux véritables responsables des crimes économiques commis à l'encontre du Trésor public de payer pour leurs forfaits. Le doute persistera donc autour de la liberté de mouvement qu'aura cette instance, mais aussi de l'audace qu'auront ses membres à ouvrir les dossiers les plus lourds de la corruption. En attendant, l'organe bénéficie tout de même d'une période de grâce et c'est à l'issue de cela que l'on pourra connaître l'utilité réelle de cette instance dans le combat contre la corruption qui gangrène le pays. Concernant le fonctionnement de cet organe, il est précisé que l'ONPLCC adresse au président de la République un rapport annuel d'évaluation de ses activités liées à la prévention et à la lutte contre la corruption, "mentionant les insuffisances qu'il a relevées en la matière et des recommandations proposées, le cas échéant". À noter que les membres de cet organe sont Mohamed Sebaibi (président), Khadidja Meslem (membre), Maya Fadel, épouse Sahli (membre), Abdeldjalil Kassoussi (membre), Nabila Boukhoubza, épouse Allam (membre), Abdelmalek Yacoubi (membre) et Abdelkrim Bali (membre). Hamid SaIdani