Pour le grand argentier du pays, l'Algérie a besoin d'un baril à 70 dollars pour équilibrer son budget pour l'exercice 2017. Le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, a tenté, jeudi, devant l'Assemblée nationale de justifier la décision du gouvernement de recourir au financement non conventionnel, en autorisant la Banque d'Algérie à procéder à l'achat direct de titres émis par le Trésor public. Le grand argentier du pays, lors de sa présentation du projet de loi modifiant et complétant la loi relative à la monnaie et au crédit, a évoqué une série de chiffres édifiants sur la situation très difficile des finances publiques qui justifie, aujourd'hui, le recours à la planche à billets. Après avoir ignoré la crise, malgré les alertes de plusieurs experts et associations, comme Nabni et Care, les pouvoirs publics instrumentalisent ces mêmes chiffres alarmants pour convaincre l'opinion publique de la nécessité de recourir à ce mécanisme de financement, controversé, comme la planche à billets. Le ministre des Finances a expliqué que l'Etat fait face, depuis le deuxième semestre 2014, à des contraintes financières découlant de la chute des prix des hydrocarbures, qui ont perdu 58 dollars par baril entre mai 2014 et juillet 2017. Cette situation a eu pour conséquence une baisse importante des exportations des hydrocarbures qui ont baissé de 60,3 milliards de dollars en 2014 à 27,1 milliards de dollars en 2016. Les exportations d'hydrocarbures sont estimées à 18,7 milliards de dollars durant les sept premiers mois de l'année en cours et en 2016 et devraient atteindre 31 milliards de dollars d'ici à la fin 2017. Les réserves de change, qui ont atteint 105,8 milliards de dollars à fin juillet dernier, pourraient se réduire à 97 milliards de dollars à la fin de l'année en cours. La fiscalité pétrolière recouvrée jusqu'à juin 2017 était de 1 100 milliards de dinars, soit 60% de celle recouvrée à la même période en 2014. Les ressources du Fonds de régulation des recettes ont été complètement consommées au moment où l'Algérie a besoin d'un baril à 70 dollars pour équilibrer son budget pour l'exercice 2017. Le ministre des Finances estime que les prix du pétrole resteront, à court et moyen termes, entre 50 dollars le baril. Le Trésor public a mobilisé des ressources additionnelles en 2016 et 2017. Le Trésor a bénéficié des avances de la Banque d'Algérie estimées à 276 milliards de dinars en 2016 et de 280 milliards de dinars en 2017. Le Trésor a bénéficié également de dividendes prélevés sur les résultats de la Banque d'Algérie avec des montants de 610 milliards de dinars en 2016 et 919 milliards de dinars en 2017. M. Raouya a cité également l'emprunt national pour la croissance économique avec un montant de 560 milliards de dinars et un emprunt extérieur à hauteur de 105 milliards de dinars souscrit auprès de la Banque africaine de développement. Malgré la baisse des prix du pétrole, les dépenses de fonctionnement, composées à 80% des salaires et des transferts sociaux, ont augmenté substantiellement. Elles ont augmenté de 2 218 milliards de dinars en 2008 à 4 591 milliards de dinars en 2016. "Il est vrai que la plupart des pays qui font face à des difficultés financières recourent généralement à l'endettement externe, mais notre ancienne expérience en la matière nous a poussés à privilégier l'endettement interne", a indiqué le ministre des Finances. M. Raouya a précisé que le financement non conventionnel, dont l'objectif est de permettre la mobilisation par le Trésor de financements exceptionnels, revêtait un caractère transitoire, limité dans le temps à cinq années. Le recours à cet instrument doit être accompagné de la mise en œuvre des réformes structurelles économiques et financières pour aboutir au rétablissement des équilibres macroéconomiques et financiers, notamment les équilibres de la balance de paiements. Meziane Rabhi