En ces journées où on parle beaucoup de la femme, car on célèbre tous les 25 novembre la Journée internationale pour l'élimination de la violence à son égard, il est aussi utile de laisser parler cette femme à travers ses "(é) cri (t)s" et sa poésie. C'est ce qu'ont fait les éditions Anep en publiant ce beau recueil de poésie à deux voix, à quatre mains, dans lequel les mots de l'une ont voulu donner à lire les maux de l'autre. Dans la collection "Regards croisés" est paru Voix de femmes, un bel échange de vers entre Nadia Belkacemi et Keltoum Deffous, qui ont voulu, chacune avec sa sensibilité singulière, donné la voix à cette Femme qui, très souvent, trop souvent, souffre en silence. À travers leurs poèmes dont Naissance ; Vers mon nuage ; L'honneur ; Rallumer mes cendres ; Le sourire de ma mère ; ou encore Silence, on crie, nos deux poètes – ou devrions-nous plutôt dire "poétesses" pour marquer ce féminin et accentuer encore sa présence dans une société misogyne ? – se veulent les porte-voix de ce "sexe faible" toujours soumis à l'asservissement des uns et à la vindicte des autres. Elle dénoncent cette "Soumission déshérence/Femmes aux douleurs séculaires, de leur naissance aux accouchements" ; l'une refuse de se taire et nous dira : "J'ai mis à nu mon âme, à cet exorciste je confie/Les fantômes du passé, hantises de la petite fille/Avec le temps guérisseur, elle fêta à la vie, un défi." L'autre renchérira toute fière : "Ma sœur/Si tu t'en souviens/Prends ma main et faisons ce voyage loin de nos silences..." Et de ce silence, Keltoum Deffous et Nadia Belkacemi n'en veulent plus. Elles veulent plutôt crier haut et fort leur envie de vivre, d'aimer et de construire un bel avenir. Elles ne veulent plus que la femme subisse cette "maltraitance conjugale", elles refusent cet étalage de vie privée sous prétexte de garantir "l'honneur" ; que dire de ces "youyous (qui) retentiront/et de ces femmes qui danseront/leur énième défloration...". Comment oublier que "chaque fois que je veux décrire la rencontre/de deux personnes qui s'aiment.../Je vois tapi dans l'ombre/l'assassin aux aguets/Ma plume raconte alors/la haine de l'assassin". Et cette plume a décidé de ne pas s'arrêter d'écrire pour dire. Dire les mots de cette "femme en colère". Et sache lecteur que "rien ne peut arrêter une femme en colère/tu as beau la blâmer, tu as beau le faire/Elle est montagne debout ; elle est rivière/Miracle est sa force, son intuition, son flair". Et "la passion des mots" a eu le dernier mot, puisque ce recueil est né au grand plaisir des amoureux des belles lettres et de la poésie pour dire encore et toujours que tant que "l'homme qui tient la main de la femme sans sein" est là, la poétesse survivra et sa muse sera en paix et "ira chercher la paix dans ses doutes et ses certitudes...". Samira Bendris-Oulebsir Voix de femmes, de Nadia Belkacemi et Keltoum Deffous, Anep, 2017, 300 DA.