Les habitants d'Ouargla sont en colère. Depuis quelques semaines, des jeunes de cette ville du Sud organisent, régulièrement, des manifestations pour protester contre leurs conditions de vie. Outre le chômage endémique qu'ils dénoncent à chaque fois, ils mettent en cause les coupures d'électricité et les pénuries d'eau potable. Jusque-là, la protestation prenait corps sous forme de sit-in ou de rassemblements. Mais jeudi soir, un groupe de jeunes a franchi un nouveau cap. Mêlant convictions religieuses et revendications sociales, un groupe de jeunes a organisé, jeudi soir, une manifestation d'un genre inédit. Devant le théâtre de verdure de la ville où devait se tenir une soirée musicale que devait animer le chanteur Kader Japonais, des jeunes de la ville ont organisé une prière collective. Ils ont empêché la tenue du spectacle, répondant ainsi à un appel anonyme intitulé : "Laisse-le chanter seul", en écho aux appels lancés récemment pour ne pas acheter des voitures "made in bladi". S'ensuit alors un chapelet de reproches aux autorités. "Nous ne sommes pas contre ce genre de manifestations. Mais au lieu de gaspiller de l'argent dans des galas, nous souhaitons bénéficier de notre part de développement", indiquent quelques jeunes qui ont posté des vidéos sur les réseaux sociaux. "Lorsque notre ville sera propre, dotée de tous les équipements, nous pourrons, peut-être, envisager ce genre de spectacles", ajoutera un autre jeune. "C'est une manière pour nous de passer des messages aux autorités qui utilisent ces spectacles pour nous endormir davantage", s'écrie un autre jeune. Les manifestants ont même arpenté quelques artères de la ville, de nuit. Sur une banderole, on pouvait lire : "Les habitants d'Ouargla demandent la baisse des factures d'électricité, la disponibilité de l'eau et la construction d'hôpitaux au lieu de dépenser de l'argent dans des spectacles musicaux." "Nous ne voulons pas de spectacles, mais du travail dans les entreprises", lit-on sur une autre banderole. Lors de ces manifestations, les jeunes Ouarglis tiennent notamment à vanter "le caractère pacifique" de leurs actions. Dans certaines vidéos, on entend des appels conviant à "la fin de la marginalisation" de leur région. Plus que cela, certains activistes pointent du doigt les disparités qui existent entre le sud et le nord du pays. "Des milliards de dollars (dépensés)... mais les jeunes sont dans la rue", ont scandé des manifestants. Cette méthode de mélange entre discours religieux et revendications sociales a, en revanche, choqué beaucoup d'observateurs qui ont en tête les événements des années 1990. Pendant ce temps, les autorités n'ont toujours pas réagi. Ali B.