La création ex nihilo d'une structure devant diriger le FLN ne recueille pas l'assentiment des cadres locaux du parti. Réagissant à l'installation d'une nouvelle instance dirigeante du FLN, intervenue hier, Mohand-Akli Bourouih, membre de la mouhafadha de Béjaïa, nous a déclaré que "Mouad Bouchareb se comporte comme un shérif, spécialisé dans les coups bas et les putschs. Cette instance nationale qu'il dirige depuis hier est illégitime, car elle ne reflète guère l'attente de la base militante. Outre son statut de député, ce nouveau chef autoproclamé n'était membre d'aucune instance du parti. Et pourtant, le FLN ne manque pas de compétences et d'encadrement capables de gérer convenablement cette période de transition, en l'absence du secrétaire général". Selon notre interlocuteur, le "limogeage déguisé" du secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, n'est qu'un prolongement du feuilleton de l'APN, où le troisième homme de l'Etat, Saïd Bouhadja, s'est vu poussé à la porte par les députés de l'alliance présidentielle. "Je pense qu'il y a anguille sous roche dans cette affaire de ‘démission' du Dr Djamel Ould Abbes, qui s'inscrit d'ailleurs dans le même sillage que le coup de force dont a été victime notre frère et moudjahid Saïd Bouhadja. C'est vraiment lâche ce qui se passe présentement dans la maison du parti historique, de surcroît le plus majoritaire du pays", a estimé M. Bourouih. Pour sa part, le mouhafedh d'Annaba, Hamidani Zeroual, semblait accueillir sereinement la décision portant dissolution du comité central et, partant, des structures de base du FLN, mouhafadhas, kasmas et cellules. "Nous avons entièrement confiance en notre direction politique et nous respectons toutes les décisions qu'elle prend. Nous sommes des militants disciplinés, qui avons appris à travailler avec le même engagement avec les responsables auxquels les hautes instances du parti jugent utiles de confier les rênes dans le cadre de l'alternance", a répondu Hamidani Zeroual à la question de savoir si la désignation du directoire et les premières mesures de restructuration du parti prises par ce dernier, en prévision notamment de la présidentielle de 2019. "Ce qui nous importe, et je parle au nom de tous les militants de base, c'est la cohésion des rangs et la pérennité de notre parti, qui est et doit rester la plus importante formation politique du pays. Nous n'avons pas encore été contactés par notre secrétaire général par intérim pour le moment, mais nous ne manquerons pas de donner notre avis quand il nous aura exposé son programme politique. En attendant, nous devons rester vigilants et tout faire afin d'éviter tout débordement qui pourrait menacer l'Algérie ou remettre en cause sa stabilité en ces temps difficiles." Cet avis n'est pas partagé par cet ancien sénateur, qui affirme, lui, que les militants "sont habitués à ce genre de bouleversements à la veille des grandes échéances, notamment à la veille de l'élection présidentielle, mais cette fois-ci, ce sont les statuts et le règlement intérieur du parti qui sont foulés. On ne peut pas du jour au lendemain faire passer à la trappe l'instance suprême du parti qu'est le comité central au prétexte de refonder le FLN. L'heure est grave, il faut le dire, parce que la décision qui a été prise aujourd'hui sera lourde de conséquences, surtout que le parti a déjà connu des scissions profondes et que l'argent sale y a fait des ravages irréversibles. Je citerai pour l'exemple les scandales qui ont entaché les élections locales, les législatives et tout récemment celles relatives au renouvellement partiel des membres du Sénat". Dans la capitale de l'Ouest, si les mouhafedhs étaient injoignables, des militants rencontrés à la kasma 9 trouvent "normal" ce que vit le FLN. "À Oran, il ne faut pas s'attendre à quelque chose, nous sommes des militants disciplinés et nous suivrons notre direction", déclare Mohamed, "vieux" militant de 30 ans au sein du FLN. Au siège de la mouhafadha du centre-ville d'Oran, les locaux de la kasma 2 étaient fermés. L'on nous explique qu'une direction collégiale était l'étape attendue et qu'il n'y a pas ici de "pro-Djamel Ould Abbes ou d'anti-Mouad Bouchareb (!), ce qui compte c'est la feuille de route que nous avons au parti et les prochaines échéances qui nous attendent, avec un congrès extraordinaire après 2019". Un cadre voulant garder l'anonymat y va également de ses confidences sur cette nouvelle étape du parti FLN. "Vous savez, Djamel Ould Abbes n'a jamais parlé de 5e mandat mais de la continuité, il y a le programme présidentiel que nous allons appliquer jusqu'au bout, ce sont les prochaines échéances électorales qui dicteront tout, une fois la situation tranchée", dit-il. K. O./A. A./D. L.