Les manifestants ont poussé jusqu'à la place des Martyrs où ils ont tenu un rassemblement. "Nul ne peut arrêter un peuple sur le chemin de son destin." Cette belle phrase du grand romancier Mouloud Mammeri n'a jamais résonné aussi juste qu'en ces jours d'insurrection citoyenne. Ni la chaleur ni la soif et la faim en ce mois de jeûne ne sont assez forts pour avoir raison de la détermination des Algériens à mener jusqu'au bout leur révolution et à réaliser son objectif suprême, à savoir la satisfaction pleine et entière de leurs revendications, en premier lieu le départ du système. La mobilisation est encore une fois au rendez-vous de ce 14e vendredi de cette belle épopée que le peuple algérien est en train d'écrire. Petite nouveauté lors des manifestations d'hier : le dispositif policier monstre autour de la Grande-Poste barricadée depuis mercredi dernier pour y effectuer des travaux de réparation. Les fourgons de la police sont alignés du côté bas de ce monument historique jusqu'au siège du RND, bloquant tout accès. Et pour dissuader les manifestants de s'en approcher, un grand nombre de policiers sont déployés tout le long de cette rangée de véhicules et même dans les parages de ce haut-lieu de la révolution du sourire. Et ce déploiement policier ne concerne pas seulement Alger-Centre, le cœur battant de la révolution du sourire, mais presque toute la capitale, au point de faire dire à un citoyen qui avait du mal, dans la matinée d'hier, à rejoindre son lieu de travail : "Ce n'est plus Alger la blanche, mais Alger la bleue." Pis encore, selon le militant des droits de l'homme Saïd Salhi, "près d'une centaine d'interpellations ont eu lieu visant des militants connus et de simples citoyens". "Dès le matin, un dispositif impressionnant a été mis en place pour tenter d'empêcher la marche pacifique", a-t-il remarqué, non sans dénoncer "ces atteintes à la liberté de manifester pacifiquement et à la liberté de circulation". Il n'empêche que les Algériens ont investi massivement la placette proche de la Grande-Poste en criant, des heures durant, leur colère et leur résolution à aller jusqu'au bout. Particularité de ce 14e vendredi du hirak : l'ire des Algérois ne vise presque plus les deux B, à savoir le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, et son Premier ministre, Noureddine Bedoui, mais plutôt le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, qui s'est singulièrement attiré les foudres de la rue. Entre autres slogans hostiles au patron de l'Armée scandés par les manifestants : "Gaïd Salah dégage", "Armée et peuple unis, Gaïd Salah est avec les traîtres". Les manifestants ont exprimé également leur refus catégorique de voir s'installer un régime militaire. Voici une brassée de mots d'ordre hostiles à une telle perspective et inscrits par les manifestants sur les banderoles ou leurs pancartes : "Ce peuple ne veut pas à nouveau d'un régime militaire", "République et non pas une caserne", "Ni Etat militaire ni bande de mercenaires", "Primauté du civil sur le militaire", "Non aux élections de la bande, non au pouvoir des chars", etc. Même le chanteur Brahim Tayeb était de la partie en brandissant une pancarte sur laquelle il a écrit : "Non à la casse-quête, vive l'Algérie." Comme lors des précédentes manifestations, les Algérois se sont opposés, cette fois-ci encore, à la tenue de la présidentielle du 4 juillet prochain. Autre nouveauté des manifestations du vendredi 14 : des manifestants ont organisé une marche vers la place des Martyrs et un grand rassemblement y a été tenu. Nouvelle place forte du mouvement populaire pour suppléer la Grande-Poste désormais interdite aux manifestants ? À la fin de la manifestation, la police a procédé à plusieurs interpellations. Arab Chih