Absent de la scène artistique depuis trois décennies, l'auteur-compositeur et interprète Mennad, l'un des précurseurs de la chanson kabyle moderne, revient à travers des spectacles qu'il a animés au Canada à l'initiative, notamment, de l'association des amis de TQ5. Sauf que l'absence de Mennad de la scène ne l'a pas pour autant relégué à un plan inférieur. Ses chansons ont survécu et elles sont toujours écoutées et appréciées. Dans cet entretien, Mennad évoque ses retrouvailles avec le public, ses projets, la chanson kabyle, le mouvement de soulèvement en cours dans le pays… Liberté : Vous avez retrouvé votre public après plusieurs décennies d'absence. Quel est votre sentiment ? Mennad : Je suis content d'avoir repris contact avec le public qui m'a tant manqué pendant toutes ces années. Il y a eu tour à tour de l'appréhension, de l'émotion et finalement de la satisfaction. Absent, certes, de la scène artistique, mais le public est resté fidèle à tout ce que vous aviez donné à la chanson kabyle. Ce retour est-ce un prélude pour renouer avec la chanson ? Avant l'épreuve, j'étais loin de me douter que le public m'attendait avec tant de ferveur. Aussi ai-je été surpris par son accueil chaleureux. Quant à un éventuel retour, cela dépendra des conditions dans lesquelles je serai amené à me produire, je souhaiterais qu'elles soient professionnelles. Un probable retour sur scène en Kabylie ? Pourquoi pas et c'est mon grand souhait. La chanson kabyle a évolué depuis. Quel regard y portez-vous ? Sincèrement, pas dans le bon sens. Dans sa tendance lourde, elle verse plutôt dans la facilité et le mauvais goût. Il reste que certains font vraiment du bon travail. Parmi eux je cite à titre d'exemple, Ali Amran, Tenna, le groupe Talsa, Amzik, Djamel Kaloun. La situation a beaucoup changé dans le pays. Tamazight est presque reconnue, l'Algérie vit un mouvement de rue qui aspire à un renouveau démocratique. Avez-vous espoir de voir ce mouvement aboutir ? J'espère que cette mobilisation citoyenne aboutira à un changement profond de la société et qu'il ne finisse pas comme dans Tanekra, ce poème d'Amar Mezdad préfigurant l'échec d'un mouvement qui avait bien commencé. Ce poème se trouve dans mon premier album (1980). Un dernier mot ? Je remercie ceux qui, à force d'insistance, m'auront permis de renouer avec la musique. Je veux nommer plus particulièrement Rachid At Ali Uqasi et à travers lui la dynamique équipe de TQ5, une chaîne de TV kabyle basée au Canada, qui s'est beaucoup investie dans mon concert à Montréal.