L'actuel gouvernement, disqualifié par la révolution du 22 février, ne dispose d'aucune marge de manœuvre politique à même d'imposer des choix budgétaires à des contribuables le rejetant. Passé les deux années 2018 et 2019, marquées par le retour à la politique d'expansion budgétaire avec, au compteur, des dépenses budgétaires de 8 557 milliards de dinars au titre de l'actuel exercice, contre 8 628 milliards de dinars en 2018, l'année 2020 s'annonce très complexe et le gouvernement semble pris en étau entre l'impératif d'un retour sans délai aux opérations d'assainissement des finances publiques, entamées en 2016 mais gelées depuis 2018, et l'enjeu d'un retour de la croissance pour limiter la casse au plan de l'emploi et des équilibres sociaux. Secoué par la crise politique dans laquelle le pays s'est embourbé depuis février dernier, l'actuel gouvernement, bien qu'en théorie il dispose encore de marges de manœuvre à même de relancer l'assainissement des finances publiques, se voit confronté à l'obstacle de son illégitimité, tant il est vrai qu'une telle opération exige une parfaire légitimité pour pouvoir la mener. Les dépenses d'équipement au titre du prochain exercice budgétaire devraient être rabotées ; une tentative d'absorber un tant soit peu le déficit budgétaire, comblé jusqu'ici par le seul apport de la planche à billets. À l'exception de cette opération, l'actuel exécutif, à moins qu'il ne soit sacrifié dans les prochains jours, aura du mal à faire de même avec les dépenses de fonctionnement, un terrain hautement miné que même les précédents gouvernements ne sont pas parvenus à y poser le pied. Outre la réduction des dépenses courantes, l'assainissement des finances publiques suppose que l'on s'attaque aussi à d'autres chantiers aussi sensibles que complexes, dont la mobilisation de recettes hors hydrocarbures en élargissant l'assiette fiscale (en limitant les exonérations et en renforçant le recouvrement de l'impôt) et la réduction des coûts de l'investissement tout en en améliorant l'efficience. Les précédents gouvernements avaient pour ambition de remettre sur les rails, dès la seconde moitié de l'année, un assainissement rigoureux des finances publiques avec, comme objectif, de ramener le déficit à zéro à l'horizon 2022. L'actuel gouvernement, disqualifié par la révolution du 22 février, étant issu d'un des derniers vœux du président déchu, ne dispose par-dessus le marché d'aucune marge de manœuvre politique à même d'imposer des choix budgétaires à des contribuables le rejetant. Ces choix sont nécessairement de rupture. L'assainissement des finances publiques, entamé en 2016 et arrêté en 2017 par les précédents gouvernements, s'est soldé par un résultat peu visible sur la courbe des déficits budgétaires courants. Le prochain assainissement exigera probablement une remise en cause de la politique d'extension budgétaire, le recours à d'autres financements autre que la planche à billets, une dévaluation de la monnaie nationale et bien d'autres mesures d'ajustement. À défaut d'un assainissement rigoureux, les déséquilibres risquent de devenir insoutenables, d'autant plus que l'évolution actuelle des cours du brut ne plaide aucunement en faveur d'une remise à plus tard des ajustements budgétaires. Lesquels ont été repoussés sine die par les précédents gouvernements, ce qui complique le travail au prochain gouvernement, alors que l'actuel a les pieds et les poings liés faute de légitimité. Sa marge de manœuvre politique est réduite depuis le 22 février dernier. Il a été désigné pour gérer les affaires courantes, mais reconduit de fait après la décision de proroger le mandat d'Abdelkader Bensalah au-delà des délais réglementaires prévus par la Constitution. Depuis, le gouvernement Bedoui, béni par le chef de l'Etat, s'est laissé prendre dans le filet de quelques mesurettes dont l'impact sur les déficits ne pourrait être qu'insignifiant. Les réformes structurelles et les ajustements de fond, de surcroît urgents et nécessaires, ne peuvent être l'œuvre d'un exécutif en partance. Contrairement à ce qu'on tente de faire croire, le rabotage des dépenses et des importations des kits CKD-SKD, des céréales et de la poudre de lait ne saurait être un substitut à une véritable réponse à la crise. Ali Titouche