"Le monde va perdre un outil précieux contre la guerre nucléaire", avait regretté, dès jeudi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Les Etats-Unis et la Russie ont acté hier leur retrait du Traité de désarmement INF, en vigueur depuis le premier juin 1988 et portant sur l'interdiction de l'usage d'une série de missiles d'une portée de 500 à 5 500 kilomètres. Après 6 mois de dialogue infructueux, sur fond d'accusations mutuelles de violation, les deux parties ont décidé de mettre un terme à leur engagement à respecter les clauses de ce traité emblématique conclu pendant la guerre froide. "Le retrait des Etats-Unis conformément à l'article XV du traité prend effet aujourd'hui car la Russie n'a pas renoué avec son respect total et vérifié", a déclaré, hier, dans un communiqué le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, depuis Bangkok où il assiste à des réunions régionales. Quelques heures plus tôt, le ministère russe des Affaires étrangères avait pris acte de la fin de cet accord-clé "à l'initiative" de Washington, proposant de nouveau, en parallèle, "un moratoire sur le déploiement d'armes de portée intermédiaire", mais jugé pas sérieux par les Etats-Unis. Washington avait suspendu début février sa participation au traité INF en accusant Moscou de fabriquer des missiles non conformes au traité. Cette suspension avait ouvert une période de transition de six mois qui s'est terminée hier, vendredi. Le président russe Vladimir Poutine avait lui aussi signé, le 3 juillet dernier, une loi portant sur la suspension de son pays à la participation à l'accord. Le traité INF, en abolissant l'usage de tout une série de missiles à capacité nucléaire de portée intermédiaire, avait permis l'élimination des SS20 russes et Pershing américains déployés en Europe. "Les Etats-Unis ont évoqué leurs inquiétudes auprès de la Russie dès 2013", a rappelé Mike Pompeo, secrétaire d'Etat, qui se targue du "plein soutien" des pays membres de l'OTAN. Mais Moscou a "systématiquement repoussé durant six ans les efforts américains pour que la Russie respecte à nouveau le texte", a-t-il ajouté. En cause, les missiles russes 9M729, qui représentent selon lui "une menace directe" pour les Américains et leurs alliés. "Pures allégations" selon la Russie qui a assuré que ses missiles ont une portée maximale de 480 km. Moscou a soutenu que cet état de fait (retrait des Etats-Unis de l'INF), arrangeait Washington qui a poussé à la mort de ce traité pour des objectifs inavoués. En réalité, affirment les Russes, la fin du traité devrait surtout permettre au Pentagone de moderniser son arsenal militaire afin de contrer la montée en puissance de la Chine. Moscou veut pour preuve, les déclarations de Mark Esper, ministre de la Défense, devant le Sénat américain. "La majeure partie de l'arsenal chinois est composé de missiles à portée intermédiaire et nous devons nous assurer que nous avons les mêmes capacités si par malheur nous devions entrer en conflit avec eux un jour", avait affirmé, Mark Esper. La fin du traité INF risque d'ouvrir une nouvelle course aux armements. "Le monde va perdre un outil précieux contre la guerre nucléaire", avait regretté dès jeudi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, relayant des inquiétudes également émises par les Européens. Ayant contribué à la fin de la guerre froide, l'INF a servi par la suite de balise contre l'armement nucléaire dans le monde. La mort officielle de ce traité risque d'ouvrir l'appétit des grandes puissances nucléaires et renforcer leur arsenal. Cette attitude "extrêmement négative" des puissances nucléaires représente, selon des experts, "une nouvelle menace pour la communauté internationale" et "un frein au chemin qui doit être parcouru vers le désarmement nucléaire". Avec la fin du traité INF, ne reste en vigueur qu'un seul accord nucléaire bilatéral entre Moscou et Washington: le traité START, qui maintient les arsenaux nucléaires des deux pays bien en deçà du niveau de la Guerre froide et dont le dernier volet arrive à échéance en 2021.