“Tarbaât Ijedjiggen”, ou bouquet de fleurs, est un groupe musical chantant en kabyle qui a vu le jour à Cheurfa n'Bahloul (5 km au sud de la ville d'Azazga, chef-lieu de daïra dont dépend ce village). Aouizet Kader et Allouane Amar est le duo qui compose ce groupe. Avant leur avènement au chant, tout jeunots, Amar et Kader ont, comme tous les virtuoses chanteurs ou cheikhs, passé par cette passion d'apprendre à gratter les fils d'une guitare artificielle (bidon d'huile, bouts de bois et autres fils de pêche). Au retour de l'école, ils faisaient déjà des virées dans les champs, sur les crêtes du djebel, dans les broussailles de la forêt, la flûte en roseau en bandoulière, ils composaient des poèmes, articulés et clamés à l'air libre, tels qu'ils viennent en totale improvisation, réussis tant bien que mal, mais souvent bien, sous des ronronnements de tests vocaux dont ils se découvrirent avoir été nantis par Dame Nature. La voix, primordiale pour tout chanteur, c'est le don, un délice dont ils sont gratifiés et pour lesquels ils ne cessent de rendre grâce à Dieu qui ne les a pas “pénalisés”. Le reste vient de lui-même, naturellement. Kader et Amar se lancèrent ainsi la tête baissée dans la chanson, cette chanson qui soulage et atténue le mal, le stress, l'angoisse du jeune, garçon ou fille, mais surtout la fille. Avec des moyens tout à fait dérisoires, ils réalisent leur rêve de frayer le chemin de la chanson kabyle, celle qu'ils maîtrisent le mieux, avec une première cassette de sept titres qu'ils comptent mettre incessamment sur le marché. Tamaghra (la fête), Aberrani (l'étranger), mennagh wi âchen yidem (si je pourrais vivre avec toi), Athin fi âzragh (ô celle pour qui je passe des nuits blanches), Timeqbert (le cimetière), Sem inem d'aqdim (ton venin (à elle) s'est enraciné) et autre instrumental, sont ces chansons, belles les unes comme les autres, qu'ils ont composées avec leurs paroles et musiques. Déplorant le niveau actuel de la chanson kabyle, Kader dira que “ce n'est pas avec du "non-stop" dépourvu de toute création qu'on peut hisser notre chant vers l'universalité. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle la musique raï, en vogue il est vrai, mais dont les paroles sont incompatibles avec nos mœurs, a fini par s'imposer même sur le marché de la chanson kabyle”. “La nouvelle génération d'artistes, si on peut les appeler ainsi, s'adonne trop, dans ses chansons, au texte politique ou "engagé" si l'on peut dire encore, au lieu de se pencher plutôt avec un peu plus d'importance vers le côté intéressant, la jeunesse ; c'est mon avis en tout cas”, ajoute encore Kader, quelque peu décontenancé par cette situation. Le vœu le plus cher pour ce jeune groupe de Tarbaât Ijedjiggen est de réussir un jour à rendre un hommage à la hauteur du mérite de feu Hamidouche, un chanteur qui a beaucoup donné pour la chanson kabyle et pour qui notre duo voue une admiration et un respect sans pareils. “Il était notre idole”, enchaînent Amar et Kader. Puisse ce vœu s'exaucer un jour ! Amen. Salah Yermèche