"La révolution doit veiller à assurer définitivement l'assainissement de la scène politique algérienne", recommandent-ils. Est-il venu le moment de doter d'une vision politique et stratégique la révolution pacifique du 22 février qui vient de boucler son 6e mois, et de la structurer ? C'est en tout cas, là, la conviction d'acteurs connus et moins connus, issus pour la plupart des partis démocratiques traditionnels (FFS, MDS et RCD) mais aussi d'intellectuels qui ont pris leurs responsabilités d'engager une profonde réflexion sur les perspectives à donner au mouvement populaire, en consignant leurs idées et propositions dans un texte bien élaboré et fort consistant. "Maintenant que les pièges, les intimidations, les arrestations arbitraires et les manipulations sont restés sans effet sur le peuple, il est temps d'engager les démarches qui donneront à la révolution le sens qui traduira enfin en perspective démocratique l'immense sacrifice consenti par notre peuple pendant et après la guerre de Libération", écrivent-ils dans un texte de 12 pages intitulé "Avant-projet de charte citoyenne pour une Algérie libre et démocratique" et dont Liberté a eu une copie. Plus qu'une simple "recette'' ou proposition de sortie de crise, les rédacteurs du texte ont mis à la disposition des Algériens un véritable projet de refondation de la nation algérienne qui tire l'essentiel de sa sève du combat libérateur et des luttes démocratiques postindépendance. "La révolution démocratique est en marche (…) L'heure est décisive, elle ne permet ni hésitation, ni laxisme, ni débats fantaisistes. Elle exige de nous que nous nous portions à l'avant des luttes avec perspicacité, efficacité et détermination", expliquent-ils, en estimant que "l'Algérie est devant un défi historique majeur : doter le pays de l'Etat-nation qui lui assurera stabilité, liberté, justice et développement". En plus d'être un grand moment de citoyenneté et de civisme, la révolution démocratique du 22 février est, aux yeux des promoteurs de cette initiative, une invite à "parachever en fait la guerre de Libération nationale par les prolongements politique et institutionnel empêchés par les affrontements fratricides de 1962 et les régimes qui en sont issus". Pourquoi cette nouvelle initiative alors que la scène nationale pullule de propositions de sortie de crise ? S'ils se félicitent de l'existence de toutes ces propositions et qui convergent sur un certain nombre de considérations, les rédacteurs de la charte déplorent le fait que celles-ci n'aient pas "fait l'objet de débats approfondis". Parce que deux approches s'"affrontent sur les problèmes de fond", les initiateurs de cette nouvelle initiative estiment que "le mouvement doit lever toutes ces ambiguïtés et trancher des enjeux fondamentalement différents afin d'éviter que l'insurrection citoyenne ne soit déviée de sa trajectoire révolutionnaire alternative ou qu'elle ne soit polluée par des confusions théoriques et pratiques de plus en plus pesantes". Autrement dit, un "consensus révolutionnaire" doit être dégagé. Une transition de 6 mois et une structuration du Mouvement par la base Concrètement, que proposent les rédacteurs de la charte? L'engagement d'une phase de transition qui est, pour eux, "un moment fondamental dans la renaissance de la nation" et "doit être entendue et admise par tous comme une séquence historique décisive qui est le complément naturel de la guerre de Libération". "La révolution doit veiller à assurer définitivement l'assainissement de la scène politique algérienne", recommandent-ils. Qu'en est-il justement de la durée de cette transition ? Selon eux, elle "doit être aussi courte que possible" mais, pour des considérations pratiques (assainissement du fichier électoral, etc), ne saurait être inférieure à 6 mois. Autre proposition mise sur la table : une structuration du mouvement non pas par le sommet car "désormais dépassée", mais par la base, en élisant, à l'issue de débats lancés dans les différentes régions, de représentants pour prendre part à une convention nationale. "Pour éviter les contestations et les infiltrations déstabilisatrices, les participants à la convention nationale doivent être pour partie proposés par consensus ou élus par la base (communes ou daïras) et pour partie proposés ou élus par les organisations socioprofessionnelles qui ont su garder une certaine autonomie par rapport à la nébuleuse des structures satellitaires du pouvoir. Des personnalités dont l'expérience politique a été consacrée par un parcours connu dans les luttes démocratiques peuvent être appelées à donner crédit et performance à ces assises", préconisent-ils, tout en insistant sur la nécessité d'associer la diaspora à "l'assemblée d'où seront issus les responsables qui auront à diriger les différentes instances de la transition".Au-delà du conjoncturel, la charte des démocrates prend aussi en charge le volet stratégique en plaidant pour le changement de structure de l'Etat en instituant un Etat-régions unitaire, la dotation du pays d'une nouvelle Constitution qui institue la pleine citoyenneté de tous les Algériens, l'adhésion sans équivoque de tous les acteurs politiques à un minimum républicain (l'alternance au pouvoir, la séparation des pouvoirs, l'égalité homme/femme, le respect des droits humains, l'identité nationale récupérée, la liberté de culte et de conscience corrélée à la non-politisation du religieux), l'association de la diaspora au "mouvement de renaissance en cours", etc. Il y a lieu de signaler que cette charte a, d'ores et déjà, recueilli l'adhésion de près de 120 premiers signataires dont Boualem Sansal, Labtar Lazhari, Bachir Deraïs, Koceïla Zerguine, Mouloud Lounaouci, Saïd Sadi, Arab Aknine, Cherifa Khedar, Mohamed Ifticène, Ali Benssad. Arab Chih