Durant deux heures, hier, au siège du Parti des travailleurs à Alger, le collectif d'avocats est revenu sur les péripéties ayant entouré le procès. Présenté comme étant le "procès du siècle", le jugement de Louisa Hanoune, en compagnie des deux ex-responsables des services de renseignements Mohamed Mediène, dit Toufik, et Athmane Tartag, a été "expéditif" et charrie des relents politiciens, de l'avis unanime de ses avocats. Durant deux heures, hier, au siège du Parti des travailleurs à Alger, le collectif d'avocats est revenu sur les péripéties ayant entouré le procès, non sans pointer du doigt toutes les entorses à la loi et les "dérives" de la justice. "Lorsque Louisa Hanoune a été convoquée pour la seconde fois, en tant que témoin, elle a été photographiée (par qui ?), comme les autres accusés, et a été entendue. Le juge lui a dit d'attendre dix minutes et ‘je vous rendrai les documents'. Au bout de dix minutes, il revient vers elle pour lui dire : ‘Désolé, mais vous irez en prison'", a raconté Mokrane Aït Larbi. Non seulement la justice militaire n'a pas respecté une des dispositions du code militaire, article 132, qui confère à un avocat le droit de recevoir une copie du dossier, mais le procès n'était pas ouvert au public, contrairement à ce qui a été dit dans le communiqué du tribunal. "Seuls quelques proches des accusés ont pu y accéder. Pourquoi les journalistes n'ont pas été admis ?" s'interroge Aït Larbi, convaincu dès le début, dit-il, que le procès ne serait pas diffusé. À l'inverse de ce qui a été annoncé par certains avocats, allusion à Me Farouk Ksentini, Mokrane Aït Larbi a indiqué qu'ils n'ont, à aucun moment, demandé le report du procès. Sur la fameuse "réunion" du 27 mars, il raconte : "Louisa Hanoune est une prisonnière d'opinion. En fait, il n'y a pas eu de réunion. Il y a eu une rencontre dans une villa appartenant au ministère de la Défense. Et Louisa Hanoune, contactée par Saïd Bouteflika, avait tenu à ce que cela soit dans une résidence officielle. Il y a une différence entre une réunion, sanctionnée par un PV, et une rencontre. Elle y a assisté à 15h30 et a donné son avis et sa vision sur la sortie de crise. Nous avions demandé l'enregistrement de cette rencontre, mais on nous a répondu qu'il est abîmé. Elle n'a absolument rien dit accréditant le complot. Elle n'a dit aucun mot sur l'armée. Et il n'y avait aucun témoin. Les deux accusés n'ont rien dit à propos de Louisa", relate encore l'avocat, qui rappelle qu'"il n'y a pas de jugement sans preuves". Selon lui, le moral de sa cliente est "au beau fixe" : "Son seul souci, c'est une solution à la crise et l'avenir de l'Algérie. Elle a dit au juge que sa place n'est pas en prison, mais à la tête d'un parti, car elle croit à ses positions et à ses idées." En résumé, Mokrane Aït Larbi soutient que Louisa Hanoune n'a "demandé ni pardon ni à ce qu'on réduise sa peine". "Au cours de la rencontre du 27, elle n'a demandé à destituer ni X ni Y. C'était une rencontre et Saïd Bouteflika était à ce moment-là conseiller de son frère. Elle a la conscience tranquille. Pour le reste, ce n'est pas entre nos mains", conclut-il. À noter que, contrairement aux autres accusés, Louisa Hanoune a eu droit à une enquête sociale. "On lui a demandé de combien de comptes bancaires elle disposait", a glissé un avocat. "Il n'y a aucun fait de ce qui lui était reproché. En sa qualité de responsable, elle a le droit de contacter qui elle veut. Elle a appelé Saïd plusieurs fois pour lui dire ce qu'elle pense de la situation, en lui suggérant qu'il faut que son frère Abdelaziz parte", rapporte, pour sa part, Me Fatiha Chelouche. "Au cours du procès, Louisa a été brillante. Et en prison, elle est traitée de façon correcte. On attend la relaxe après l'appel introduit", dit-elle, non sans préciser qu'au cours du procès, les juges leur ont interdit "d'introduire les objets électroniques dans la salle d'audience". "Malgré les conditions, nous étions prêts à plaider, mais nous n'avons pas demandé le report. Ce sont des confrères qui ont demandé le report pour leur client (notamment Toufik, malade, mais le tribunal a fait venir trois médecins pour l'examiner)", rapporte, de son côté, l'avocat Seddik Mouhous, qui n'hésite pas à s'interroger : "Comment l'accuse-t-on de vouloir changer le régime alors qu'elle a rencontré Saïd Bouteflika qui faisait partie du régime ?" "C'est une atteinte à la conscience citoyenne et une criminalisation de l'action politique. Ce procès n'était ni public ni juste. Il a été expéditif. Les conditions de l'arrestation et des poursuites ne sont pas conformes à la Constitution et à la loi régissant les relations entre le gouvernement et le Parlement. Les faits reprochés à Louisa Hanoune remontent au 27 mars. Or, à ce moment-là, elle jouissait de l'immunité parlementaire", observe, de son côté, Me Hakim Saheb. Selon lui, Louisa Hanoune a été "condamnée avant le procès au regard de chefs d'inculpation rébarbatifs". "Les images filmées étaient une exécution. Son seul tort est d'avoir proposé une sortie de crise. C'est un procès politique. Ce n'est pas le procès du siècle, c'est celui de la vengeance et du règlement de comptes", soutient-il encore. Quant à Me Aïssa Rahmoune, il relève "un glissement grave vers un Etat militaire". Aussi ne manque-t-il pas de fustiger l'avocat Farouk Ksentini. Aïssa Rahmoune rappelle que leur demande pour la présence de Zeroual est restée vaine. "Sa lettre est commandée et recommandée. Il doit assumer sa lettre et doit témoigner", insiste-t-il.