L'image diffusée hier, par des chaînes de télévision nationales, de Nacer Bouteflika déposant son bulletin de vote et celui de son frère Abdelaziz dans l'urne, suscite commentaires et interrogations quant aux messages voulus et recherchés à travers cette mise en scène, tout sauf fortuite. Abderrahim Bouteflika, plus connu sous le prénom de Nacer, s'est en effet présenté hier à l'école primaire Bachir-El-Ibrahimi à El-Biar (Alger) pour participer au scrutin présidentiel imposé par le régime, en votant en son nom et celui de son frère, le président déchu, par procuration. Les caméras de chaînes de télévision, réputées pour être ouvertement acquises à la cause du pouvoir, étaient présentes au moment opportun et comme apprêtées à l'avance pour assurer une large médiatisation du vote des deux frères Bouteflika. On y voit ainsi Nacer, ex-secrétaire général du ministère de la Formation et de l'Enseignement professionnels, se rendre, l'allure fière, au bureau de vote et déposer son bulletin dans l'urne, en se prêtant presque naturellement au jeu de la mise en scène et des caméras. Si le bon sens commande de ne pas tirer de conclusions hâtives de ce fait médiatique, il est néanmoins évident qu'une telle "théâtralisation" du vote du frère de l'ex-chef de l'Etat, poussé à la démission en avril dernier et dont l'autre frère et ex-conseiller spécial, Saïd Bouteflika, a été condamné et emprisonné, depuis, pour complot contre l'Armée, est tout sauf un pur hasard ou une "paparazzade" tout à fait anodine. Et dès lors, des questionnements, mais aussi des tentatives d'interprétation sont logiquement avancés tant par le commun des Algériens que par des observateurs et des médias, s'interrogeant surtout sur le sens à donner au soutien que l'on a ainsi voulu afficher publiquement de l'ex-président et de son frère envers une démarche politique construite pourtant sur l'image d'une rupture avec leur propre règne. Faut-il y voir donc une simple initiative personnelle de Nacer Bouteflika pour échapper à une éventuelle campagne judiciaire qui viendrait toucher le reste de la fratrie ? S'agirait-il d'un deal passé avec le régime aux fins de laisser l'ex-président à l'abri de poursuites possibles à son encontre, alors que sa responsabilité dans les grandes affaires de corruption a été clairement invoquée récemment lors du procès public lié aux financements occultes de sa dernière campagne électorale ? Faut-il enfin y entrevoir tout simplement la thèse, déjà fortement soupçonnée et redoutée par une partie de l'opinion nationale, de survivances inquiétantes du système et des réseaux de l'ère de l'ex-président ? Quelque puisse être le degré de vraisemblance et de plausibilité des différentes interprétations ainsi évoquées, le fait est que la mise en scène diffusée hier sur le vote de Nacer Bouteflika alimente de fait le sentiment d'une grande majorité d'Algériens qu'aucune rupture ni changement de système politique n'a été véritablement opéré avec l'avortement en avril dernier de la tentative d'un cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika.