Pour la première rencontre entre le gouvernement Djerad et les walis, les autorités ont sorti les grands moyens. En quelques minutes, le pouvoir a donné l'impression de mettre "le citoyen", les oubliés du développement ou tout simplement le nouveau vocable "zones d'ombre" au centre des préoccupations. Pour frapper les esprits, Abdelmadjid Tebboune, qui a invité hier au Palais des nations les walis, responsables locaux et centraux, a même innové. Les services de la communication de la Présidence ont diffusé, aux centaines d'invités réunis dans la grande salle de Club-des-Pins, un documentaire d'une trentaine de minutes pour montrer des scènes où des "citoyens de deuxième ou troisième catégories" vivent dans des conditions parfois primitives. Le commentateur de la télévision publique reconnaît que "pendant des années, nous n'avons parlé que des citoyens qui ont été touchés par le développement". Les autres "vivent parfois comme avant l'indépendance", reconnaît, un brin ému, le chef de l'Etat, assis à la tribune, à côté du Premier ministre, Abdelaziz Djerad, qui a même versé quelques larmes à la vue des images de filles obligées d'arrêter leurs études à cause de l'éloignement de l'école, de petits bambins qui ratent les cours faute de transport scolaire. Pour "mettre fin" à ces "images", le chef de l'Etat a instruit les walis et les responsables locaux d'agir "dans l'immédiat". "Les premiers résultats doivent être visibles dans deux à trois mois", a-t-il indiqué. Mais "dans une année, ces images doivent disparaître", a-t-il insisté, tout en les menaçant de sanctions dans le cas contraire. S'il utilise ainsi un langage menaçant, Abdelmadjid Tebboune rappelle qu'il "suffit de peu" pour régler certaines situations. Il donnera l'exemple de la possibilité d'utiliser des citernes d'eau pour acheminer de l'eau vers certaines régions où le raccordement au réseau AEP est délicat. Il a également exigé de sanctionner ceux "qui ne respectent pas" les normes de réalisation des équipements publics, notamment les routes. À ceux qui disent que l'Etat n'a pas les moyens de concrétiser ce projet, Abdelmadjid Tebboune rappelle que l'Etat a "mobilisé deux fois 400 milliards de dinars" au profit des communes dans le cadre de la Caisse de solidarité des communes. Il annonce le déblocage de 100 milliards de dinars à partir du mois de mai prochain. Au niveau central, le chef de l'Etat rappelle que "l'argent existe". Pour illustrer ses propos, il a brandi un dossier. "J'ai ici un dossier des crédits bancaires qui n'ont pas été remboursés : ce sont 1 216 milliards de dinars jusqu'à janvier dernier", a-t-il fulminé. Il a, également, rappelé que "la majorité des entreprises ne paye pas d'impôts" et qu'il "y a de l'argent dans l'informel". Mais il n'a pas donné les instruments qu'utilisera l'Etat pour récupérer cet argent. Il annoncera, en revanche, l'élaboration d'une "loi-cadre" qui "criminalisera" ceux qui refusent de payer l'impôt. En plus de cela, Tebboune a annoncé vouloir donner "des possibilités" fiscales aux communes pour récupérer plus d'argent. Par ailleurs, Abdelmadjid Tebboune a annoncé que les autorités allaient interdire l'importation des produits fabriqués localement. "L'importation des matières premières fabriquées localement est interdite. C'est immédiat", a-t-il dit citant, notamment, les difficultés rencontrées par les producteurs d'agrumes et de maïs à écouler leurs produits. "Une maffia de l'import s'oppose à la production nationale", a-t-il précisé. "Qui dit import dit surfacturation. Cela représente la moitié des exportations annuelles d'hydrocarbures", a-t-il estimé.