Les "Mercredis du verbe" de l'établissement Arts et Culture ont accueilli en ce mois dédié à l'écriture féminine la poétesse Shanyce Sarah pour son recueil "J'écris… pour me taire". "Mars au féminin" s'est rendu maître de l'espace du "Mercredi du verbe" de l'établissement Arts et Culture, où l'ardeur du "Mot à Maux" de la poétesse Shanyce Sarah a fédéré l'auditoire autour de son recueil : J'écris… pour me taire (éditions Médias-Index 2019). Mais en vertu de quoi s'est-elle choisi un tel titre où s'affrontent l'énigmatique et le double sens ? Est-ce parce qu'elle a été enchaînée au bâillon de l'interdit de dire ou parce que sa rime a été longtemps tenue en otage par la secte du "chut" ? Apparemment, c'est le cas ! Du fait que l'on décèle dans l'intitulé l'indice d'une censure où l'âme de la poétesse si pudique s'est imposée d'elle-même "le muet". Alors, "prise entre les deux, ta réalité s'entremêle", déclame Shanyce Sarah, qui exhorte le poète à "toucher le ciel et se dire que tout est à toi". "Mon jet d'encre s'écoule avec l'agilité de l'inspiration si chargée de mots qu'il y a en moi, et ma plume n'obéit donc à aucun précepte de l'écriture. D'où l'option de cueillir mes thèmes dans l'ébullition de ma société", a dit Shanyce Sarah, qui a osé l'amour "candide" : "Demande-moi mon nom et moi le tien. Enumérons nos préférences. Revenons à notre toute première déclaration. Ce je t'aime qui n'en finissait pas." Autre sujet de société, "la diseuse de bonne aventure" qui n'arpente plus les rues d'Alger et de l'Algérie profonde : "Elle a passé sa vie à faire une seule chose, pour laquelle les gens ont payé la cause." Quoi qu'il en fût, l'acte d'écrire est bel et bien là, au fronton du recueil J'écris… pour me taire de la poétesse, qui a déclamé à brûle-pourpoint : "Fais de tes rêves ta vision. Et de ta vision tes rêves." "Non ! Je ne suis pas née poétesse. C'est la poésie qui a éclos en moi !" en l'an 2011, quand est née la poétesse Shanyce Sarah, a précisé la conférencière. Donc, ce qui était au début son dada, voire un loisir, la poésie a fluctué ensuite vers l'exutoire où elle ensemence ses mots, à l'instar de À ça sein : "Même sans seins. Je reste entière, je suis femme et nourricière. Ne suis-je pas l'héritière d'Eve et de Vénus ?" a déclamé celle qui a professé la langue de Molière. Inconnue ? Mais pas aussi méconnue que ça, puisqu'elle est de notoriété dans l'espace bleu, où Shanyce Sarah a recueilli les premières appréciations autour de ses poèmes en adhérant aux groupes où se cisèle le mot, a-t-on su de l'oratrice, qui n'a pu convaincre les éditeurs du bien-fondé de son talent. Et pour cause, "la poésie se vend mal", dixit çà et là l'éditeur. S'il en est, c'est un sacrilège que d'alléguer un tel argument au pays qui s'enorgueillit d'avoir eu au cercle de ses poètes disparus les Bachir Hadj-Ali (1920-1991), Jean Sénac (1926-1973), Colette Grégoire, dite Anna Greki (1931-1966), Hamid Nacer-Khodja (1953-2016) et tant d'autres. S'en était ainsi jusqu'à ce que le hasard l'ait mise sur le chemin de l'éditrice Malika Challal, "qui lui a consenti une chance", s'est félicitée l'oratrice. Pour conclure, Shanyce Sarah a eu une pieuse pensée pour "ces naufragés de fausses promesses" ou ces harraga qui voguent sur "la croisière de la mort". Autant dire que rien n'échappe à l'œil aiguisé de la poétesse Shanyce Sarah, qui se sent interpellée par les sujets brûlants de l'heure. À noter que l'après-midi littéraire a été animée par la dame Laradi Fouzia.
LOUHAL Nourreddine w J'écris… pour me taire de Shanyce Sarah (éd. Médias-Index, 2019), prix 400DA.