Ce colloque "se propose d'explorer le jeu d'interactions et d'influences réciproques entre la littérature et la presse, et d'analyser les transferts et surtout la circulation des pratiques journalistiques vers les œuvres narratives, poétiques et dramaturgiques, et des pratiques littéraires vers les écrits de presse". La thématique de ce colloque, qui se tiendra les 4, 5 et 6 février 2021 à Tunis, se penchera sur les corrélations, influences et interférences entre la littérature et l'écriture journalistique. Depuis le début du XIXe siècle, l'écriture journalistique est d'abord adoptée par des écrivains tels Balzac, Maupassant, Théophile Gautier et bien d'autres. La collaboration de ces figures de la littérature française avec les journaux revêt un caractère "sociologique", tout en leur permettant de diffuser leurs œuvres ou leurs points de vue à une échelle plus importante que la presse quotidienne permet. Ils se métamorphosent, ainsi, lit-on dans l'argumentaire, en "en sociologues, en critiques littéraires, en penseurs et intellectuels engagés". Le plus "célèbre" de ce glissement entre littérature et journalisme est sans doute le pamphlet "J'accuse", publié le 13 janvier 1898 par Emile Zola en première page du journal L'Aurore sur six colonnes à la une. Le texte de Zola est une critique du système judiciaire et militaire de la France de Félix Faure, et l'écrivain, en s'attaquant ainsi ouvertement aux acteurs de cette manœuvre, médiatise l'affaire et lui donne une dimension nationale, voire internationale. Peu explorés, "les liens qui se tissent entre l'écriture littéraire et l'écriture journalistique chez un même écrivain, le chassé-croisé qui articule journalisme et création littéraire constituent pourtant un champ d'analyse intéressant", estiment les organisateurs. "C'est pourquoi les chercheurs ne sont pas conviés, dans le cadre de notre colloque, à s'intéresser uniquement aux textes journalistiques des écrivains. Le nombre des travaux et des thèses qui leur est consacré est considérable." En sus, l'objectif du colloque ne sera pas de reprendre quelques résultats de recherches entrepris par des spécialistes (Michel Brix, Roland Chollet, Gérard Delaisement...), ni de "réexaminer les divers itinéraires journalistiques des écrivains, il se propose plutôt d'explorer le jeu d'interactions et d'influences réciproques entre la littérature et la presse et d'analyser les transferts et surtout la circulation des pratiques journalistiques vers les œuvres narratives, poétiques et dramaturgiques et des pratiques littéraires vers les écrits de presse". Les textes journalistiques des écrivains ont ceci de particulier qu'ils sont arrivés à créer "un style mosaïque reposant sur une prédilection pour l'anecdote fictionnalisée, et davantage encore pour la conversation, le dialogue". Il en est de même pour les chroniques, "traversées par des fragments narratifs, des dialogues, des anecdotes, des apologues, des souvenirs, des descriptions de paysages ou de personnages". À l'instar de La vie d'un paysagiste, Tunis, Alger à vol d'oiseau de Maupassant, Chroniques algériennes de Camus. La littérature puise, pour sa part, dans les faits divers, notamment au XIXe siècle. Ce matériau est exploité, lit-on encore, "soit comme une riche matière narrative (Madame Bovary de Flaubert), soit comme un modèle d'écriture à imiter (le roman feuilleton), soit comme un fait social réaliste à signaler (Gustave Geffroy, L'Apprentie)". Cet enchevêtrement devient également pour les écrivains un laboratoire d'expérimentation, la brièveté des articles journalistes ouvre le champ à de nouvelles formes scripturales, les écrivains ou poètes "se sont adaptés à l'exigence du resserrement de la matière narrative et à l'obligation d'aller à l'essentiel". À cet effet, le colloque se penchera sur des questions telles que : "Dans quelle mesure le journal est-il un espace idéal d'invention artistique ? En quoi est-il un laboratoire de création littéraire ? Le journaliste et l'écrivain coexistent-ils chez le même auteur ou sont-ils amenés à se confronter ?"
